Quel regard portez-vous sur la grève des enseignants de Seine-Saint-Denis ?
Olivier Sarrabeyrouse
Maire PCF de Noisy-le-Sec
Leur colère, je la comprends, je la partage, je la soutiens. J’ai moi-même été enseignant pendant trente-huit ans, dont une grande partie dans ce département en tant que professeur des écoles, puis directeur de maternelle. Je n’ai quitté le métier que pour me consacrer à mon mandat de maire de Noisy-le-Sec, en 2020.
J’ai donc assisté en première ligne à la dégradation des conditions d’enseignement et lutté en tant que syndicaliste FSU-SNUipp afin d’obtenir des moyens pour l’éducation nationale dans notre département où le droit à l’éducation pour tous devrait être une priorité. En 1998, nous avions obtenu 3 000 postes supplémentaires dans le cadre d’un plan d’urgence, mais ils nous ont peu à peu été retirés, notamment via la suppression de certains postes du réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased).
Les moyens mis en œuvre pour l’éducation nationale en Seine-Saint-Denis sont-ils insuffisants ?
Les carences de l’État en matière d’éducation dans ce département ont été mises en évidence par deux rapports parlementaires, en 1998 et 2023. En 2018, les députés François Cornut-Gentille (LR) et Rodrigue Kokouendo (Renaissance) avaient dénoncé une « rupture d’égalité » dans l’action de l’État en Seine-Saint-Denis en matière d’éducation, de police et de justice.
“La situation de l’école s’est dégradée en dépit d’un plan annoncé en 2019 par le premier ministre de l’époque, Édouard Philippe. “
Cinq ans plus tard, dans un nouveau rapport, Stéphane Peu (PCF) et Christine Decodts (Renaissance) insistent sur l’insuffisance des moyens mis à disposition sur ce territoire, compte tenu de ses difficultés sociales. La situation s’est dégradée en dépit d’un plan annoncé en 2019 par le premier ministre de l’époque, Édouard Philippe. Le constat est donc largement partagé.
En tant que maire, vous avez la responsabilité des bâtiments des établissements scolaires du premier degré. Sont-ils, à Noisy-le-Sec, dans un état de délabrement comparable à celui de l’ensemble du département ?
Le problème du bâti fortement dégradé concerne principalement les établissements du second degré. Pour ma part, je fais régulièrement le tour des 22 écoles primaires et maternelles afin de rencontrer les parents, les enseignants et les agents de la collectivité pour être en prise directe avec les demandes qui sont de mon ressort.
Une commission « travaux » a été mise en place pour que les conseils d’école à vocation pédagogique ne soient pas parasités par un verrou à remplacer, des rideaux à installer dans une classe exposée plein sud ou encore une cour d’école qui se dégrade, etc. Ces questions, qui tuent le quotidien des enseignants, des personnels et donc des enfants, doivent être réglées avec diligence et nous consacrons d’ailleurs un budget de 650 000 euros par an à l’entretien des bâtiments depuis le début de mon mandat.
Quels choix avez-vous faits en termes d’investissements ?
La démographie de notre commune ne requiert pas la construction de nouvelles écoles. Mon prédécesseur prévoyait de démolir un bâtiment de type « Pailleron » pour construire un complexe éducatif et sportif neuf. Face au coût exorbitant de ce projet, nous avons choisi la voie de la rénovation pour des raisons budgétaires (le coût de la réhabilitation de l’école Langevin est de 7 millions contre plus de 45 pour la démolition-reconstruction), mais aussi écologiques.
C’est ce même esprit qui nous guide, avec Julie Grünebaum, mon adjointe déléguée aux droits de l’enfant et à la réussite éducative, pour la rénovation des cours d’écoles. Nous avons décidé de consacrer plusieurs millions d’euros à la mise en place de cours de récréation végétalisées, équipées d’un système de récupération et de stockage des eaux de pluie et aménagées de façon inclusive afin de favoriser l’égale occupation de l’espace par les garçons et les filles, mais aussi par les élèves en situation de handicap.
Quelles sont vos marges de manœuvre pour améliorer les conditions d’enseignement dans votre ville ?
Nous ne sommes pas une commune riche et le taux de pauvreté parmi les Noiséens est de 30 %. Mais l’éducation est l’axe principal, avec l’accès aux droits, de notre projet municipal. Cela s’est traduit par la rédaction d’un projet éducatif global de 80 pages, coconstruit pendant deux ans avec les enseignants, les animateurs, les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem), les parents, les agents techniques, etc.
Il concerne tous les citoyens depuis la petite enfance jusqu’à l’âge adulte à travers l’éducation populaire. Voilà comment nous, collectivités, pouvons apporter notre pierre à l’édifice, sans nous substituer à l’éducation nationale. Nous souhaiterions créer une cité éducative, mais les critères fixés par l’État en termes de quartier prioritaire de la ville (QPV) pour avoir les financements afférents sont très stricts.
L’action de l’État est-elle suffisante ?
Non, d’autant que la suppression des taxes professionnelle et d’habitation nous prive de leviers fiscaux susceptibles de nous aider à mettre en œuvre des projets à la mesure de nos ambitions. D’une manière générale, la baisse des dotations de l’État nous place face à des choix très difficiles.
Par exemple, quand le dédoublement des classes a été décidé (par Jean-Michel Blanquer en 2019 – NDLR), le gouvernement ne s’est absolument pas préoccupé de savoir quel serait l’impact pour les collectivités sur l’aménagement des classes et sur les bâtiments supplémentaires qui seraient nécessaires.
Il n’y a pas eu d’aide pour cela. Lors de la réforme dite des « rythmes scolaires », on a observé le basculement vers les collectivités de la charge de tout ce qui ne relève pas des savoirs fondamentaux. Un tel transfert de compétences peut être dangereux en termes d’égalité.