Imaginez avoir économisé pendant des années pour acheter la maison de vos rêves, mais l’augmentation des coûts de l’assurance habitation rend l’accession à la propriété hors de portée pour toujours.
Il s’agit d’un problème courant en Floride, où les primes d’assurance moyennes coûtent aux propriétaires la somme faramineuse de 6 000 dollars par an. C’est plus du triple de la moyenne nationale et environ trois fois ce que les Floridiens ont payé en moyenne pour les primes d’assurance en 2018.
De plus, plusieurs grandes compagnies d’assurance ont quitté l’État au cours de l’année écoulée, laissant aux résidents des alternatives limitées.
En tant que professeur de droit spécialisé dans la préparation aux catastrophes et la résilience, je pense qu’il est important de comprendre ce qui fait augmenter les coûts, notamment parce que d’autres États pourraient bientôt être confrontés à une situation difficile similaire.
Trois principaux facteurs sont à l’origine du défi de l’assurance. Premièrement, les catastrophes naturelles sont de plus en plus fréquentes et coûteuses. Deuxièmement, le prix de la réassurance monte en flèche. Enfin, l’environnement favorable aux litiges de la Floride aggrave le problème en permettant aux clients de poursuivre facilement leurs assureurs.
Les catastrophes, comme le niveau de la mer, augmentent
Grâce à son emplacement sur le golfe du Mexique, magnifique mais sujet aux ouragans, la Floride a longtemps été vulnérable aux éléments. Les catastrophes naturelles coûtent à l’État entre 5 et 10 milliards de dollars chaque année, a estimé le gouvernement fédéral en 2018, dernière année pour laquelle des données étaient disponibles.
Pourtant, c’est probablement sous-estimer ce qui se passe aujourd’hui, puisque depuis lors, les catastrophes ne font que devenir plus importantes, plus fréquentes et plus coûteuses. Par exemple, le changement climatique a réchauffé les océans, ce qui, selon les recherches, alimente des ouragans plus forts et plus intenses.
En conséquence, la Floride a connu des catastrophes d’une valeur d’un milliard de dollars en moyenne quatre fois par an au cours des cinq dernières années – contre environ une par an dans les années 1980.
Cette recrudescence des catastrophes ne met pas seulement des vies en danger ; cela fait également des ravages sur le marché de l’assurance, car les compagnies d’assurance sont inondées de réclamations suite à une catastrophe après l’autre. Il leur est donc plus difficile de réaliser des bénéfices ou d’obtenir une réassurance pour protéger leurs parties prenantes.
Pourquoi la réassurance est importante
Essentiellement, les compagnies d’assurance gagnent de l’argent de deux manières. Premièrement, ils mutualisent les risques entre les assurés. La mutualisation des risques est la pratique consistant à prendre des individus ou des propriétés dans une situation similaire, à les regrouper et à facturer des prix d’assurance similaires puisqu’ils sont confrontés au même risque.
Deuxièmement, ils réduisent les risques en souscrivant à la réassurance. La réassurance agit comme une protection pour les compagnies d’assurance – c’est essentiellement une assurance pour les assureurs. Les réassureurs s’engagent à couvrir une partie ou un type spécifique de sinistre – par exemple, les ouragans catastrophiques – ce qui offre un niveau de protection financière.
La nouvelle ère de catastrophes climatiques a mis un frein au processus. Les compagnies de réassurance, aux prises avec une augmentation des sinistres due à des catastrophes plus fréquentes et plus graves, se sont retrouvées obligées d’augmenter les primes des compagnies d’assurance. Les transporteurs, à leur tour, ont transféré le fardeau aux assurés.
Pour tenter de relever ces défis, certaines entreprises ont choisi de limiter la couverture à des types spécifiques de dommages. Par exemple, certaines compagnies d’assurance en Floride n’offriront plus de couverture contre les ouragans ou les inondations. Et dans des cas extrêmes, les compagnies d’assurance se sont entièrement retirées de l’État.
Comprendre cette relation complexe entre les assureurs, les réassureurs et les assurés est essentiel pour comprendre les implications plus larges de la crise de l’assurance en Floride. Cela souligne le besoin urgent de solutions globales et d’efforts de collaboration pour relever les défis changeants de l’écosystème de l’assurance.
Apprendre de la Floride… d’une manière ou d’une autre
La Floride n’accepte pas tout cela sans rien faire. En décembre 2022, les législateurs des États ont répondu à l’instabilité croissante du marché immobilier en adoptant le projet de loi 2A du Sénat, un ensemble de réformes de l’assurance.
L’un des éléments majeurs était un changement de règle destiné à décourager les assurés de poursuivre leurs assureurs en justice. Auparavant, la loi de Floride permettait aux assurés de récupérer les honoraires d’avocat s’ils obtenaient un montant dans le cadre d’un litige contre leur assureur.
L’idée est que ce changement découragera les poursuites inutiles. Cependant, mes recherches en tant que professeur de justice environnementale montrent que les tentatives visant à exclure les avocats du processus de négociation conduisent souvent à des litiges plus coûteux et à un accès réduit à la justice.
Le projet de loi restreint également la cession des avantages, un mécanisme qui permet à des entités tierces comme les entreprises de toiture de négocier avec les compagnies d’assurance au nom des résidents de Floride. Si l’attribution des prestations a accru le plaidoyer, elle était également liée à une montée en flèche des coûts des sinistres.
L’équilibre entre offrir de nombreuses opportunités et contenir les coûts a suscité un débat parmi les défenseurs de la justice. La réponse législative de la Floride reflète un effort continu visant à trouver un équilibre, garantissant l’équité et l’accessibilité tout en relevant les défis auxquels sont confrontés à la fois les assureurs et les assurés.
Les actions de la Floride pour répondre à la crise de l’assurance de biens soulèvent une question cruciale : l’État servira-t-il de modèle pour les régions sujettes aux catastrophes, ou agira-t-il comme un récit édifiant ? Après tout, des États comme la Californie et la Louisiane ont également vu des compagnies d’assurance se retirer de leurs marchés. Leurs législatures s’inspireront-elles de celle de Floride ?
Pour l’instant, il est trop tôt pour le dire : ces politiques ne sont en place que depuis la dernière série d’ouragans. Mais en attendant, le reste des États-Unis suivra la situation – en particulier les décideurs politiques soucieux de la résilience et ceux qui veulent s’assurer que les populations vulnérables ne soient pas les premières victimes.