Sociale, Marine Le Pen ? Cette chimère électoraliste ne passe pas le mur de son programme ou de ses appels du pied au patronat, qu’elle rêve d’avoir comme alliés pour gagner les prochaines élections. Dans Les Échos, ce jeudi, la patronne du Rassemblement national a publié une tribune dénonçant le « mur de la dette », expression empruntée entre autres aux médias libéraux et ses bons clients, du Figaro à Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’Ifrap qui rêve d’en finir avec la Sécurité sociale et la plupart des prestations de solidarité.
Pour Marine Le Pen, la dette constitue une « dérive des finances publiques » et « un péril pour la souveraineté nationale ». « C’est le discours habituel de la droite, de François Bayrou à Edouard Philippe », analyse Henri Sterdyniak, co-fondateur de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui trouve « stupéfiant que Les Échos publient cette tribune, comme si c’était un article économique sérieux ».
Un appel du pied pour bâtir un programme d’inspiration patronnale
A ceci près que Marine Le Pen, entre les lignes, propose d’être plus libérale qu’Emmanuel Macron, qui passerait presque pour un socialiste quand la cheffe de l’extrême droite reproche son « quoi qu’il en coûte » de la crise sanitaire. Cherchant à se trouver des alliés chez les puissants, elle plaide pour une « stratégie ordonnée de redressement budgétaire », qui fleure bon l’austérité.
Elle veut ainsi supprimer des « agences, autorités ou commissions » qui selon elle « dégradent les finances publiques ». Un appel à réduire les postes de fonctionnaires ? Marine Le Pen ne le dit pas mais, dans son opération de séduction aux libéraux, laisse la porte ouverte et propose en outre de diviser le budget entre un « budget d’investissement », finançable par la dette, et un « budget de fonctionnement », qui, lui, aurait l’obligation d’être à l’équilibre.
Autre revendication fidèle aux exigences du capital, la « fin des normes sclérosantes ». « C’est fidèle au discours patronal, qui oublie que ces normes sont faites pour protéger les consommateurs, les travailleurs et entamer la transition écologique », réagit Henri Sterdyniak.
Des propositions caricaturales : le coût de l’immigration de la fraude sociale
En réalité, cette tribune est à la fois un appel du pied et une main tendue. Comme le démontre ses dernières phrases, hallucinantes : « J’invite tous les économistes et experts de bonne volonté à s’emparer de ces propositions, à les chiffrer et à les compléter. »
Une conclusion comme un appel à l’aide, pour épaissir un programme économique d’inspiration patronale qui à ce stade tient de la caricature. Car pour faire des économies jugées indispensables, la première proposition de Marine Le Pen est de taper sur « le coût de l’immigration pour les finances publiques », explique-t-elle, en citant le « financement de l’accueil, le versement des prestations, la surcharge de la police et de la justice ». Avant de développer son « deuxième chantier » : « la fraude sociale ».
« En définitive, son discours de stratégie nationale se réduit à pas grand chose, décrypte l’économiste atterré. Elle ne propose pas d’augmenter les impôts sur les grandes entreprises et les plus riches, donc rejette la faute sur la fraude sociale et les immigrés qui nous coûteraient un fric fou. Des arguments fantasmatiques. » Pour autant, pourrait-elle apparaître crédible aux yeux des économistes et décideurs français ? Le fait que Les Échos lui accordent cette tribune – la seconde après novembre 2021 -, est déjà un indice, très inquiétant.