Quel type d’IA avez-vous introduit ? Et pour quoi faire ?
Nous sommes une entreprise de commerce de 350 salariés. Après avoir travaillé essentiellement dans le B to B (business to business), nous avons tourné notre modèle vers le B to C (business to consumer), tout d’abord avec des acteurs traditionnels du marché en ligne, comme Cdiscount ou Amazon, mais, depuis deux ou trois ans, nous commençons à vendre directement aux consommateurs. Nous avons donc créé nos propres sites Internet de vente en ligne et monté nos services internes spécialisés dans le marketing digital, la mise en avant des produits sur le Web, les fiches techniques, leur référencement… C’est dans ce cadre-là que nous avons décidé d’utiliser l’IA, pour accélérer notre développement commercial.
Nous commençons à utiliser notamment ChatGPT pour les campagnes de marketing, par exemple. L’outil produit du texte, mais nous suggère aussi ce qu’il faut mettre en avant et quand, compte tenu de plusieurs critères. Il nous aide à décider à quel prix vendre un produit selon les données qu’il compulse. Nous développons actuellement un outil de Business Intelligence mais qui ne travaillera que sur nos propres données produites au cours de nos trente années dans la vente et qui fonctionnera en environnement fermé, protégé.
Comment et quand avez-vous intégré les salariés à ce projet ?
Dès le départ, à la rédaction du cahier des charges. Nous avons demandé à certains salariés en quoi ils aimeraient que l’IA les épaule et pour quel objectif. Nous avons tout de suite été très vigilants sur le fait que ces outils ne soient qu’une aide. Il ne faut pas se retrouver dans la situation où une personne puisse dire : « J’ai pris cette décision parce que l’IA me l’a demandé. » Si ce sont nos salariés, c’est qu’ils ont des compétences, des savoir-faire qu’il faut conserver, valoriser. L’IA peut permettre de gagner en efficacité, en réactivité, afin de gagner du temps de réflexion et d’analyse, de la qualité métier… mais la valeur ajoutée du salarié va résider dans le contrôle qu’il conserve de l’outil.
Nous allons aussi mettre en place un comité de suivi. Comme nous n’en sommes qu’au début, on écoute surtout le ressenti des utilisateurs. On s’est autorisés des retours en arrière si cela ne convient pas, nous tenons vraiment à garder notre esprit critique. L’une de mes craintes, c’est que la rapidité de l’évolution des technologies soit une source de stress… C’est une question que l’on va ajouter dans les entretiens annuels de suivi des salariés qui travaillent avec des IA. Cela implique évidemment aussi des formations.
Quelles formations avez-vous prévues ?
Nous avons monté un plan en deux étapes. La première, en cours, est plutôt générale sur l’IA générative : que puis-je en tirer et comment bien l’utiliser. Nous nous sommes assez vite aperçus que la qualité de la réponse obtenue réside dans la qualité du prompt. Donc, on forme les salariés à adapter leurs demandes. Par exemple, détailler son métier permet d’obtenir des informations plus adaptées, tout en gardant l’idée que l’outil n’est pas infaillible. Par exemple, j’ai demandé à ChatGPT de me donner le mode de calcul de l’indemnisation de l’activité partielle. Il m’a répondu avec les taux en vigueur avant le Covid.
Je lui ai fait remarquer, et il m‘a répondu avec les bons taux, mais m‘a fourni un calcul pour de l’activité partielle à 100 % alors que je lui avais indiqué un taux d’activité partielle moindre. Il faut vraiment être vigilant et garder le contrôle. De plus, on insiste beaucoup sur l’explicabilité de ce qu’on demande à l’IA. On demande à nos salariés de pouvoir justifier leurs décisions. Les prochaines formations consisteront en une approche de l’IA par métier.