Et si l’exécutif commençait enfin à enfiler la bonne paire de bottes ? Jusqu’à présent, les réponses du gouvernement à la crise agricole se situaient à rebours de la principale revendication affichée par les producteurs : la question du revenu agricole.
Affaiblissement des normes environnementales, prolongation des exonérations patronales… les mesures énoncées par Gabriel Attal allaient jusque-là dans le sens d’une agriculture intensive, en favorisant les grosses exploitations. Ce samedi 24 février, le président de la République, de sortie pour la 60e édition du Salon de l’agriculture, s’est tourné vers une réponse plus attendue par les agriculteurs eux-mêmes.
« L’objectif que je fixe aux travaux qui ont été lancés par le premier ministre et ses ministres, et en particulier les travaux parlementaires, c’est qu’on puisse déboucher véritablement sur ces prix planchers qui permettront de protéger le revenu agricole et de ne pas céder à toutes les pratiques les plus prédatrices qui aujourd’hui sacrifient nos agriculteurs et leurs revenus », a déclaré Emmanuel Macron à la sortie d’un entretien avec les responsables des syndicats agricoles, au tout début de la journée.
« Pas la première fois que le sujet est mis sur le tapis »
Prévue dans le cadre d’une nouvelle loi encadrant les relations entre les acteurs de l’alimentation, cette mesure prévoit de protéger les producteurs des distorsions de prix négociés sur leur dos entre les industriels et les distributeurs. Ce tarif minimum serait fondé sur un « indicateur de coût de production agricole », c’est-à-dire sur une estimation des coûts de production des denrées agricoles. Avec l’espoir que cette disposition législative modifie les rapports de force commerciaux en faveur des paysans.
Une bonne nouvelle d’après Véronique Marchesseau, secrétaire générale de la Confédération paysanne, qui salue « une proposition structurelle » en opposition aux dernières promesses « court-termistes » du gouvernement.
Mais il s’agirait de ne pas faire feu de tout bois. « Ce n’est pas la première fois que le sujet est mis sur le tapis », détaille la syndicaliste. Cette réponse venue du chef de l’État n’est rien de plus qu’un renforcement des lois Egalim. En l’état, celles-ci incitaient déjà les interprofessions agricoles à tenir compte de l’évolution des coûts de production que subissent les agriculteurs.
C’était alors une promesse du président de la République, en octobre 2017, faite lors des États généraux de l’alimentation. Celui-ci annonçait « la mise en place d’une contractualisation rénovée avec un contrat qui serait proposé par les agriculteurs et non plus par les acheteurs (…). Nous modifierons la loi pour inverser cette construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production ».
La loi Egalim 2, votée en 2021, a alors rendu obligatoire la publication d’indicateurs de coût pertinents de production en agriculture. Mais aucune contrainte légale n’a été ajoutée pour obliger les négociateurs – agro-industrie et grande distribution – à « tenir compte de ces indicateurs », explique Véronique Marchesseau.
Une idée déjà plébiscitée par le Modef
Treize ans plus tôt, André Chassaigne, député communiste, avait d’ailleurs déposé une proposition de loi pour créer un dispositif similaire afin de « garantir de bonnes rémunérations aux agriculteurs », explique-t-il. Mais celle-ci avait été retoquée. « On se bagarre depuis des années pour que ces prix planchers, seule porte de sortie de la crise agricole, soient adoptés », déplore le parlementaire.
Le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef) est lui aussi engagé dans la même bataille. Le syndicat avait déjà fait de la question des prix planchers sa revendication principale, tenant à la fois compte des coûts de production et du salaire du producteur. « Le chef de l’État parle de cela maintenant. Or, c’est un concept que nous avons toujours associé à notre démarche et que nous appelons « prix minimum garanti par l’État ». D’ailleurs, notre syndicat avait remis cette revendication sur la table lors de notre rencontre avec le président de la République la semaine dernière », précise Raymond Girardi, vice-président national du Modef.
Reste maintenant à savoir si cette annonce ne se cantonnera pas à un effet de manche. Pour l’heure, du côté de la Confédération paysanne, on souhaite se montrer « optimiste » puisque cette mesure demeure « applicable, à en juger sur ce qu’a fait l’Espagne ». Toutefois, l’organisation se dit vigilante « sur la façon dont la proposition sera mise en œuvre ».