Début février, Mme Mirallès, 56 ans, a été renouvelée dans ses fonctions de secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la mémoire. Un parcours atypique pour la Montpelliéraine, sortie de l’école d’esthétique avant de rentrer à petit pas en politique où elle a construit patiemment son ascension. Portrait.
Au Panthéon des ministres de la Ve République issus du Languedoc-Roussillon, ils ne sont pas si nombreux. Il y eut les Gardois Hélène Dorlhac, Georgina Dufois, Gilbert Baumet et Aurélien Rousseau, le Lozérien Jacques Blanc, l’Audois Raymond Courrière, les Biterrois Jean-Claude Gayssot et Georges Fontès. De Montpellier, incongruité politique, il n’y eut que le maire… François Delmas en 1978. Et, depuis juillet 2022, Patricia Mirallès, 56 ans, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, reconduite début février dans ses fonctions au sein du gouvernement Attal.
“Fédérer une unité nationale autour de notre Histoire”
Au Panthéon, elle y était justement mercredi, en première ligne, aux côtés du Président de la République, du Premier ministre et du ministre des Armées, pour accueillir Missak Manouchian et son épouse Mélinée. Mardi, elle avait présidé la veillée autour du cercueil du résistant arménien au mont-Valérien. Un instant solennel. Fort. “Ce sont tous les camarades fusillés de Missak Manouchian qui entrent au Panthéon avec lui. Dans les temps sombres que nous vivons, il était important de rappeler que même étranger, on peut épouser la France et ses valeurs, se battre pour celles-ci”, relate Patricia Mirallès avec émotion. Elle a fait de la Mémoire, une priorité. “À l’heure des derniers instants de transmission directe de la mémoire de la seconde guerre mondiale, il est essentiel d’impliquer les jeunes et leurs familles et de fédérer une unité nationale autour de notre Histoire”, poursuit-elle, intarissable. Elle a par exemple initié un partenariat avec la ligue nationale de football pour valoriser le bleuet, cette fleur sauvage qui, joli symbole, repousse sur les ruines des champs de bataille et que l’on porte à sa boutonnière en hommage aux Poilus.
\ud83d\udd34 Patricia Mirallès (@MIRALLESMP), secrétaire d’État auprès du ministre des Armées, a salué “un moment fort et vivant pour des personnes mortes il y a déjà 80 ans”.
Premier hommage pour le résistant Missak Manouchian au Mont-Valérien, la veille de sa panthéonisation. pic.twitter.com/Of9afGV74b
– franceinfo (@franceinfo) 20 février 2024
Et tant pis si elle est parfois raillée, décrite par ses détracteurs comme la secrétaire d’État aux gerbes de fleurs. “Que ceux-là aillent sur le terrain avec les soldats qui se battent pour préserver notre liberté, qui sont revenus blessés dans leur chair pour combattre le terrorisme au Sahel ou au Levant. Depuis 1963, dans des opérations extérieures, plus de 700 d’entre eux y ont perdu la vie. Et les prévisions annoncent 500 000 anciens combattants en 2050”, argue-t-elle, comme pour traduire l’importance de sa mission.
“J’aurais eu l’impression de les abandonner”
Elle a œuvré ces derniers mois à un nouveau plan blessés qui prend mieux en compte les familles, lancé la construction d’un village permettant aux cabossés de l’armée – 500 par an – de se reconstruire, en plus d’avoir négocié de nouveaux avantages pour les veuves et orphelins ou de boucler le droit à réparation des harkis. “Et ma mission est loin d’être terminée, j’aurais eu l’impression de les abandonner si je n’avais pas été reconduite dans mes fonctions”, souffle-t-elle. Avant de confier sur cette interminable période d’attente : “Il a été un temps question que l’on me confie un autre portefeuille. Mais je voulais conserver celui-ci, aussi pour aller au bout de la préparation des commémorations du 80e anniversaire de la Libération. 2024 sera une fenêtre de visibilité sur le devoir de mémoire que je ne veux pas manquer”.
Pour le député Renaissance de l’Hérault Patrick Vignal, cette reconduction était naturelle. “Elle a fait le job depuis sa nomination. Patricia, c’est une vraie bosseuse, elle est pugnace. Je l’ai vue pendant le Covid, où elle a reçu (elle a contracté un Covid-long, NDLR). Elle était très fatiguée, et pourtant, elle n’a rien lâché. Avec elle, tu peux partir à la guerre”, dit-il. L’intéressée confirme cette capacité de travail : “J’ingurgite beaucoup, je me documente. C’est dans ma nature et je n’ai pas le choix. Je n’ai pas le même parcours que les autres”.
Sur le terrain de football, “elle ne lâchait rien”
Son parcours, justement. Si atypique dans ce gouvernement souvent critiqué pour son élitisme. Son diplôme à elle, ce ne fut pas l’ENA, HEC ou Sciences-Po, mais… “un CAP à l’école régionale d’esthétisme de Montpellier”. Fille de rapatriés, elle a grandi dans le quartier populaire du Lemasson où elle a longtemps joué au football, jusqu’à l’équipe féminine alors embryonnaire du MHSC. Au lycée, elle a failli opter pour un cursus de dessinatrice en construction de travaux. “Mais je ne regrette pas mon choix. Je crois même que c’est cette école qui m’a permis d’être là où je suis aujourd’hui. J’y ai appris le respect, la tenue, la politesse, l’écoute des autres”, énumère-t-elle. Déjà, toutefois, pointaient d’autres qualités impératives pour réussir en politique. Élisabeth Deramond, son amie depuis le collège, se souvient d’une jeune femme “à la fois bienveillante, qui ne laissait personne sur le bord du chemin, et meneuse. Dans notre bande d’amie, c’était le pilier, celle qui entreprenait beaucoup de choses. Et sur le terrain de foot où elle jouait avant-centre, elle était la capitaine, elle ne lâchait rien”.
Commerçante, secrétaire…
Les ors de la République, Patricia Mirallès assure qu’elle n’en rêvait pourtant pas. “C’était tout simplement inaccessible”. Elle est finalement entrée dans ce monde à petits pas, en étant d’abord la collaboratrice du député Gilbert Roseau après dix années comme commerçante, puis secrétaire -“catégorie C”- de Marlène Castre, adjointe au maire déléguée au quartier de la Croix-d’Argent. Patrick Vignal était déjà élu et se souvient d’une fonctionnaire “qui est vite allée au-delà de ses fonctions pour militer. Comme moi, elle est sortie du ventre de Georges Frêche, a appris à prendre des coups et à en donner”. Si elle a quitté le PS en 2012 pour suivre Philippe Saurel dans son aventure municipale, elle n’en est pas moins restée militante dans l’âme, désormais pour le parti macroniste. “Même ministre, elle vient coller des affiches et pas deux minutes le temps de faire une photo”, glisse Jérôme Toulza, longtemps référent départemental Hérault En Marche.
Patricia Mirallès confirme qu’elle aime ces moments. “J’ai hâte de lancer la campagne des Européennes, tracter, organiser des meetings. Aller au combat ne me fait pas peur, particulièrement contre les extrêmes. C’est ça faire de la politique, pas chercher le buzz sur les réseaux sociaux”.
“J’allais faire les courses avec “une calculatrice”
C’est cet activisme qui lui a permis d’être promue adjointe au maire dès sa première élection auprès de Philippe Saurel, auteur d’un coup de Traffalgar en 2014. Celui-ci l’a ensuite aidée à devenir conseillère départementale en 2015 puis à obtenir l’investiture En Marche aux législatives de 2017. “J’ai eu de la chance, c’est vrai, d’être sur la bonne vague la première fois. Mais la deuxième, en 2022, croyez-moi, je ne dois ma victoire qu’au travail”, estime-t-elle, rappelant ce contexte où nombre de députés de la majorité sortante ont été balayés par le RN ou la Nupes. Malgré un article à charge de Mediapart sur sa gestion des frais parlementaires – qu’elle a vivement contesté – un mois avant le scrutin, elle a battu son adversaire LFI en raflant 53 % des voix.
Parmi les battus, il y a eu sa collègue du Gard Françoise Dumas qui présidait jusque-là la commission de la défense à l’Assemblée nationale. Patricia Mirallès était sa vice-présidente et venait de peaufiner un projet de réparation envers la communauté harki, travail salué par le chef de l’État. La dernière marche vers un ministère pouvait être franchie. “Moi, ce n’est pas l’ascenseur mais l’escalier social que j’ai pris. J’ai connu des périodes où j’allais faire les courses avec la calculatrice et maintenant je suis là. Tous les jours, je me dis que ce n’est pas possible et j’en saisis chaque seconde. J’ai toujours, par mon éducation, mon cercle familial, cultivé l’humilité mais j’aimerais que ce parcours puisse servir d’exemple”, dit-elle.
“Le parcours rêvé du militant”
Jérôme Toulza confirme que celle qui préside désormais la fédération départementale de Renaissance a “le parcours rêvé du militant. Et le fait d’avoir été nommée à nouveau lui donne plus de poids politique. Elle doit ça à une autre de ses qualités, la fidélité”.
Patricia Mirallès parle, elle, de loyauté. “On n’est jamais d’accord tout le temps avec tout le monde, mais j’ai pris un engagement avec le Président de la République, je crois toujours à son projet initial, j’irais donc au bout. Je ne suis pas de ceux qui quittent le navire quand la mer tangue”, répond-elle, balayant la question du coup de barre à droite du chef de l’Etat. Et si Emmanuel Macron lui demande de porter Renaissance à Montpellier, où elle est encore élue d’opposition ? “Je suis dans un parti politique, je prendrai donc la part qui est la mienne dans cette campagne. Laquelle ? Ce que je sais, c’est que je ne sais pas ce que je ferai dans six mois… Alors 2026, c’est trop loin”, répond, comme le protocole convient de l’appeler, madame la ministre.
Son actu en 3 infos
Une année de mémoire
Emmanuel Macron veut faire du 80e anniversaire de la Libération de la France un moment d’unité nationale, “pour aller chercher les forces morales évoquées lors de ses vœux”, relaie Patricia Mirallès. La secrétaire d’État aux Anciens combattants et à la Mémoire travaille donc depuis de longs mois, avec le groupement d’intérêt public “Mission de la Libération”, à un programme dense de commémorations que le chef de l’État présidera en Normandie, Provence, à Paris, Oradour-sur-Glane, Strasbourg…
Poursuivre le plan blessés
De nombreux dossiers se trouvent sur son bureau au ministère des Armées, à commencer par celui du plan blessés 2023-2027 qu’il faut finaliser. “Sur 116 mesures, nous en avons passé déjà 80.J’ai par ailleurs voulu ce plan vivant, avec deux comités stratégiques par an pour le faire évoluer au plus près des besoins”. Son portefeuille lui incombe aussi de gérer, tâche importante, le plan sobriété énergétique et biodiversité de tout le patrimoine du ministère des Armées.Sa volonté, enfin, est de s’ouvrir un peu plus aux échanges internationaux.
“Un oeil sur Montpellier”
“Montpellier a de la chance d’avoir une ministre comme Patricia”, commente Luc Albernhe, qui a créé avec elle et Annie Yague, le groupe “Passionnément Montpellier” au conseil municipal après une scission avec Philippe Saurel. “Quand elle est ici, elle est tout le temps sur le terrain. Et même depuis Paris, elle travaille toujours sur les dossiers pour mener un combat engagé”. “On lui a demandé de garder un œil sur Montpellier”, confirme Jérôme Toulza, secrétaire général de Renaissance Hérault.