Attendu porte de Versailles par des manifestants très en colère, le Président de la République s’est entretenu à deux reprises, ce samedi matin, avec des représentants du monde agricole.
Emmanuel Macron aura mouillé la chemise ce samedi matin au salon de l’agriculture. Attendu par des agriculteurs massés dans le hall 1 qui n’ont pas hésité à aller à la confrontation avec les forces de l’ordre, le Président de la République a tenu deux réunions avec les représentants du monde agricole, une à huis clos, l’autre devant les caméras. En bras de chemise, au milieu des agriculteurs, comme il aime le faire pour montrer l’image d’un chef de l’Etat qui va sur le terrain. “Je préfère le dialogue à la confrontation”, a-t-il entamé, rappelant : “Je n’ai pas attendu la crise pour m’engager pour l’agriculture”, avant d’appeler au calme. “Il faut que le salon se passe bien parce que pour vos collègues, c’est parfois des mois, voire des années de boulot. Ils sont montés avec leurs bêtes, avec leur travail pour le montrer”.
“Je n’arrive pas à payer la cantine de ma fille”
S’en sont suivies deux heures de débat au cours desquelles des agriculteurs ont évoqué, à tour de rôle, les difficultés qu’ils subissent. L’un d’eux a eu des mots forts : “Un agriculteur se suicide tous les deux jours. Moi, je travaille 100 heures par semaine et je ne me sors pas un revenu depuis trois ans”, lui a-t-il dit, assurant avoir failli passer à l’acte l’été dernier. “On manque de trésorerie, il faut nous aider, il faut agir très très vite”. Un viticulteur gardois a complété : “Je n’arrive pas à payer la cantine de ma fille”.
Un plan d’urgence trésorerie
Longtemps silencieux sauf pour distribuer la parole, prenant des notes attentivement, Emmanuel Macron a ensuite déroulé ses réponses, parfois difficilement quand les agriculteurs doutaient de la pertinence de ses propositions. La plus forte, justement pour répondre à l’urgence de certaines situations : “Dès lundi, on va réunir au niveau national, MSA et banques, pour imaginer un système de garanties. Et, département par département, on va lancer un recensement des exploitations en difficulté et mettre un système au cas par cas. On a un plan d’urgence trésorerie à lancer”.
La promesse de prix plancher
Autre promesse importante du Président : “qu’on puisse déboucher sur des prix planchers qui permettront de protéger le revenu agricole”, dans le cadre de la préparation d’une nouvelle loi encadrant les relations entre les acteurs de l’alimentation. Emmanuel Macron l’a répété : “Il faut reconnaître dans la loi l’agriculture et l’alimentation comme un enjeu national majeur”. Ce prix plancher devrait être fondé sur l’indicateur de coût de production agricole sur lequel chaque filière agricole (volailles, lait, viande bovine…) a dû se mettre d’accord pour objectiver les coûts de production des agriculteurs. “C’est la chose la plus engageante qu’on ait jamais fait”, a ponctué Emmanuel Macron.
Pesticide, contrôles…
De nombreux sujets ont encore été évoqués. Le chef de l’Etat a par exemple répété vouloir éviter qu’un pesticide soit interdit en France avant le reste de l’Union européenne, pour éviter les distorsions de concurrence, tout en rappelant les efforts déjà effectués en la matière. Il veut notamment supprimer le conseil stratégique phytosanitaire, “qui est une véritable usine à gaz”, pour mieux aider au cas par cas les agriculteurs à réduire leur utilisation de produits dangereux.
Emmanuel Macron a promis encore plus de lisibilité sur les différents contrôles que peuvent subir les agriculteurs. “Quand il y a des aides publiques, c’est normal qu’il y ait des contrôles. Mais on va mieux les organiser pour éviter d’avoir dix contrôles différents de différentes administrations, et même mettre en place un droit à l’erreur”, a-t-il résumé.
“La ferme France reste solide”
Le Président, montrant sa connaissance fine des dossiers agricoles, a répété à plusieurs reprises son intention de défendre à Bruxelles les intérêts de l’agriculture française sur de nombreux sujets, “comme on l’a fait pour empêcher, cette année, l’obligation de mettre en place des jachères”. Surtout, il a donné rendez-vous aux agriculteurs dans trois semaines “à la maison”, à l’Elysée. Après une pique à ses adversaires politiques accusés de faire “des propositions faciles qui ne règlent rien”, il a aussi appelé à ne “pas dresser un portrait catastrophiste” de la situation car “la ferme France reste forte. Certes, certaines filières sont en difficulté mais il y a une réalité : la France produit et exporte deux tiers des calories qu’elle produit”.
Emmanuel Macron a finalement pu couper le ruban, inaugurant officiellement le salon de l’agriculture, avant de s’offrir une déambulation dans les allées qui semblaient impossible le matin. Coup de communication réussi. Ce samedi matin, s’il n’a pas résolu la crise agricole, il a réussi à éviter l’image désastreuse d’un président obligé de se calfeutrer à l’Elysée.
Les soulèvements de la terre : la “colère” du président
En matinée, Emmanuel Macron n’a pas caché son agacement face à la situation. Mais il s’est surtout mis “en colère”, terme qu’il a lui-même utilisé, lorsque des journalistes lui ont demandé pourquoi il avait invité le mouvement écologiste Les soulèvement de la terre à un débat finalement annulé à cause de la polémique qui a suivi. “C’est n’importe quoi, je n’ai pas invité un mouvement dont j’ai demandé la dissolution en conseil des ministres”, a-t-il exprimé. C’est pourtant son entourage qui avait évoqué cette invitation.