La société californienne connue jusqu’ici uniquement des joueurs de jeux vidéo sur PC et des mineurs de Bitcoins, vient d’atteindre les 1 500 milliards de capitalisation boursière, se nichant au milieu des Gafam. Avec toutefois quelques vulnérabilités…
Les chiffres donnent le tournis : Nvidia a multiplié par six son bénéfice net sur un an. L’entreprise basée à Santa Clara, en Californie, mais immatriculée dans l’État paradis fiscal du Delaware, vient de publier ses résultats annuels spectaculaires : près de 61 milliards de dollars de chiffre d’affaires, 30 milliards de bénéfices nets en 2023. Le dernier trimestre de l’année montre une tendance en nette hausse : 22 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 12,3 milliards de bénéfices nets.
Profitant de l’engouement pour ses produits très demandés par les géants de l’intelligence artificielle, en rupture de stock constante, Nvidia monte ses prix et fait exploser ses marges. Voilà qui plaît aux spéculateurs, donnant à leur engouement un petit effet de bulle spéculative. Ainsi, l’entreprise affiche plus de 1 500 milliards de dollars de capitalisation et vient de dépasser Google et Amazon en Bourse, alors que le géant de l’e-commerce affiche un chiffre d’affaires 10 fois supérieur à celui de Nvidia.
Un processeur vendu 40 000 dollars l’unité
Le produit phare de l’entreprise s’appelle H100. C’est un GPU (Graphics processing unit), processeur traditionnellement utilisé pour les calculs graphiques. Il se vendait 30 000 dollars l’unité encore en janvier, mais son prix a augmenté de 10 000 dollars depuis, histoire de tirer un maximum de profits de l’engouement autour de cette puce.
Ces outils sont très efficaces pour effectuer une grande quantité de calculs simples, très rapidement. Ils se révèlent être les meilleurs pour entraîner les intelligences artificielles et les faire tourner au quotidien, en particulier les génératives du type ChatGPT. Et Nvidia sait que ses GPU sont les plus puissants du marché, ses concurrents, Intel et AMD tentant de rattraper leur retard.
Traditionnellement, ces processeurs servent aux jeux vidéo. Ils permettent par exemple de calculer des rendus de reflets de lumière en temps réel sur différentes surfaces, ou d’animer des millions de pixels. Ce type de composant informatique s’est aussi vendu par milliers pour miner des cryptomonnaies, ce qui, couplé à la pénurie de semi-conducteurs ces dernières années, a eu pour conséquence d’engendrer une rupture de stock permanente pour Nvidia. À l’époque, le constructeur avait déjà profité de cet effet de rareté pour doubler ses prix de vente. Ce phénomène a grandement empiré avec l’engouement pour l’intelligence artificielle.
Le roi de la puissance de calcul
Il y a tout juste un mois, Mark Zuckerberg a annoncé en grande pompe son intention d’acheter à Nvidia 350 000 processeurs H100 pour entraîner l’IA générationnelle de Facebook, expliquant disposer de plus de 10 milliards de dollars pour réaliser l’opération.
Auparavant, Microsoft, Google et Amazon ont acheté en 2023 entre 50 000 et 150 000 GPU H100 chacun. Nvidia est le roi de la puissance de calcul et le faiseur de roi de l’intelligence artificielle. « Quasiment chaque fois que vous interagissez avec ChatGPT, chaque fois que vous utilisez Midjourney (générateur d’images), (…) Nvidia fait de l’inférence », s’est réjoui Jensen Huang, patron et fondateur de l’entreprise.
La puissance du géant du calcul informatique repose pourtant sur de sacrées vulnérabilités. L’entreprise ne possède pas la moindre usine et ne fait que concevoir les puces. Elle se retrouve complètement dépendante des capacités de production du fondeur taïwanais TSMC, lui aussi en situation de quasi-monopole sur le secteur.
Nvidia se révèle ainsi à la merci de la situation géopolitique entre l’île et la Chine, d’autant plus que le patron Jensen Huang, est étasunien, d’origine taïwanaise.