NATIONS UNIES, 23 fév (IPS) – En ce début d’année 2024, nous nous trouvons à un moment critique : les tensions géopolitiques s’intensifient, l’intégration économique s’effrite et la coopération multilatérale s’essouffle. Cette fragmentation mondiale menace de saper des décennies de progrès réalisés en faveur des enfants du monde entier.
Les choix que nous faisons aujourd’hui – poursuivre sur cette voie ou renforcer la coopération mondiale – auront un impact profond sur les générations à venir.
Les enfants sont toujours les plus vulnérables en temps de crise – une réalité mise en évidence par la pandémie de COVID-19, lorsque les fermetures d’écoles, les difficultés économiques et l’interruption des services de santé ont mis en danger les droits et le bien-être des enfants.
Près de quatre ans après le déclenchement de la pandémie, notre nouveau rapport, Perspectives pour les enfants en 2024 : la coopération dans un monde fragmenté, dresse un tableau inquiétant du développement et du bien-être futurs des enfants.
Les tensions entre les grandes puissances s’accentuent et la menace de nouveaux conflits est élevée. Au-delà des dangers physiques immédiats, les enfants peuvent subir des traumatismes psychologiques durables et des violations de leurs droits fondamentaux.
Si les dépenses militaires continuent d’augmenter au détriment des investissements dans les soins de santé, l’éducation et la protection sociale, le développement des enfants sera encore davantage compromis.
Parallèlement, la fragmentation économique creuse les disparités entre les pays. Les politiques commerciales restrictives et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement entraînent une hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, réduisant l’accès aux biens essentiels et ayant un impact négatif sur la nutrition des enfants et les revenus des ménages.
La concurrence pour les minéraux essentiels à l’économie verte augmente les risques de fragmentation des échanges tout en menaçant le rythme de la transition énergétique verte. Dans le même temps, la volonté d’étendre l’exploitation minière expose les communautés minières et les enfants au risque de pratiques d’exploitation.
Malgré la poursuite de la croissance économique mondiale, la reprise tiède et inégale diminue les perspectives de réduction de la pauvreté des enfants. D’ici 2030, 15 millions d’enfants de plus vivront chaque année dans la pauvreté qu’ils ne l’auraient été autrement, en raison de la reprise post-Covid inégale.
Ce sombre tableau est aggravé par l’affaiblissement des institutions multilatérales, qui compromet encore davantage le potentiel de progrès pour les enfants. Pourquoi?
Parce qu’un système multilatéral fragmenté et paralysé par des intérêts concurrents aura du mal à assurer la prévention des conflits, le changement climatique, une gouvernance numérique efficace, l’allégement de la dette et le respect des normes relatives aux droits de l’enfant, alimentant ainsi le mécontentement dans les pays du Sud face à des inégalités croissantes.
Les enfants des pays les plus pauvres sont également confrontés à des obstacles persistants en matière de financement des services de base. Une dette écrasante, des frais de transfert élevés et l’absence de voix dans la gouvernance économique mondiale limitent les investissements dans les soins de santé, l’éducation et la protection sociale – des investissements vitaux pour la survie et le développement des enfants.
Mais parmi toutes ces tendances inquiétantes, nous voyons encore des signes d’espoir. Des alliances alternatives émergent dans le monde en développement pour faire progresser la coopération, apportant des solutions politiques nouvelles, une élaboration politique plus agile et des résultats efficaces.
Bien qu’ils expriment leur mécontentement à l’égard des structures politiques démocratiques actuelles, les jeunes restent optimistes quant aux possibilités de réforme et de résolution des déficiences du système politique, que ce soit au niveau national ou international. Ils s’engagent en tant qu’acteurs du changement, insufflant une nouvelle vie à la participation civique et au renouveau démocratique.
En outre, les innovations technologiques ouvrent de nouvelles opportunités pour autonomiser les enfants et renforcer leurs droits. La transition verte, si elle est menée de manière juste et durable – en donnant la priorité aux besoins, aux compétences et à l’accès des jeunes aux emplois dans les secteurs émergents (tels que l’économie numérique et verte) – peut bénéficier aux jeunes générations.
Les réformes et la modernisation de la gouvernance mondiale et des dispositifs de financement pourraient encore apporter une plus grande justice aux pays en développement. Cette voie plus pleine d’espoir ne se déroulera pas d’elle-même. Cela exige que les dirigeants du monde fassent un choix actif : redoubler d’efforts en faveur de la solidarité, de l’inclusion et de la coopération malgré les tensions et l’instabilité.
La priorité accordée aux enfants et à leurs droits doit être au centre de ce choix.
Jasmina Byrne est chef de la prospective et des politiques, UNICEF Innocenti – Bureau mondial de recherche et de prospective.
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