Un gynéco à moins de 80 € ? Mission impossible à Paris ! Alors que le remboursement par la Sécurité Sociale est plafonné à 30 €, les Parisiennes déboursent souvent plus du triple. Même problème pour les psychiatres, les anesthésistes, les dermatologues, les gastro-entérologues, les ophtalmologues et les pédiatres qui se sucrent allègrement.
Pour les cardiologues, ce sont les Hauts-de-Seine qui décrochent la palme du tarif le plus élevé (77,80 €) alors que le tarif de la Sécurité sociale s’élève à 51 €. Ces chiffres, révélés par une étude de l’UFC-Que Choisir, publiée jeudi 22 février, analysant les dépassements d’honoraires pratiqués par les médecins de huit spécialités libérales, mettent en lumière une véritable fracture sanitaire.
Inégalités territoriales, des tarifs qui varient du simple au double
Si les cotisations à la Sécurité sociale des assurés sociaux et les tarifs de base de remboursement de l’Assurance maladie sont les mêmes sur tout le territoire, les honoraires pratiqués pour une consultation par les spécialistes sont jusqu’à 2,5 fois plus onéreux d’un département à l’autre.
Les zones aux tarifs les plus élevés, à savoir l’Île-de-France (en particulier Paris et les Hauts-de-Seine), ainsi que les départements littoraux du Sud et les grandes métropoles, sont celles où, paradoxalement, les praticiens sont les plus nombreux.
Au contraire, dans les zones rurales ou les déserts médicaux, les dépassements d’honoraires sont plus faibles, voire inexistants. Ainsi, « les patients tendent à résider soit dans un « désert géographique » (peu de médecins), soit dans un « désert financier » (médecins relativement plus nombreux, mais aux tarifs très élevés), et donc à être pris au piège d’une manière ou d’une autre », alerte l’association de défense des consommateurs.
Une situation qui n’est pas sans conséquence sur la santé des usagers. Une enquête réalisée concomitamment par l’UFC-Que Choisir auprès d’un échantillon représentatif de 1 004 personnes fait apparaître que 45 % des personnes les plus modestes déclarent « peiner à trouver des rendez-vous médicaux », contre seulement 4 % des ménages les plus aisés.
Rien d’étonnant alors que les ménages les moins aisés se déclarent trois fois plus en mauvaise santé que les ménages les plus aisés (27 % contre 10 %), quand on sait que les renoncements aux soins pour raisons financières touchent 38 % des personnes s’estimant en mauvaise santé.
« Intolérable laisser-faire des autorités »
À l’origine de ce système de santé de plus en plus inégalitaire, la croissance rapide des spécialistes en secteur 2 (à honoraires libres). Entre 2016 et 2021, leur proportion est passée de 45,8 % à 52,2 %, toutes spécialités confondues, la palme revenant aux cardiologues, dont la part pratiquant des dépassements a progressé de plus de 12 points en cinq ans, tandis que les gynécologues sont désormais 71,4 % à les pratiquer (contre 62,1 % en 2016).
L’UFC-Que Choisir pointe un « intolérable laisser-faire des autorités » et préconise la fermeture de l’accès au secteur 2 pour les nouveaux arrivants, faute de quoi, avec la vague de départ à la retraite des médecins issus de la génération du baby-boom, « le phénomène va s’accélérer et s’aggraver dans les années à venir ».
Alors que les négociations de la convention entre les praticiens libéraux et l’Assurance maladie viennent de redémarrer, une revalorisation des tarifs opposables des consultations, pourrait créer « un effet d’aubaine » : les praticiens pratiquant des dépassements risquent de profiter de cette hausse du tarif de base pour augmenter leurs honoraires. C’est pourquoi l’association propose de conditionner d’éventuelles augmentations des tarifs de base de la Sécurité sociale à une réduction effective des restes à charge pour les usagers.
« Il est indispensable de réduire les écarts entre les tarifs de base et les tarifs pratiqués. C’est une condition sine qua non pour réduire les inégalités sociales de santé, qui sont gigantesques », martèle l’UFC-Que Choisir qui a saisi le Conseil d’État pour faire constater et sanctionner l’inaction gouvernementale sur l’accès aux soins, et enjoindre l’exécutif à agir.