Le rendez-vous est fixé à 15 heures, chaque jour depuis une semaine, devant le siège d’Alstom à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Une soixantaine de salariés, selon la CGT, se mobilise deux heures durant pour revendiquer une hausse de salaire de 10 %. « Au mieux on a un niveau de vie qui stagne avec ce qu’on gagne par mois », se désole Vincent Martella, délégué syndical CGT.
Depuis hier, le géant franco-canadien du ferroviaire donne une raison supplémentaire aux travailleurs de se mobiliser. Il s’agit d’une nouvelle « austérité salariale », selon un tract du syndicat : un plan de licenciements. Il a été présenté aux élus du personnel, ce mercredi 14 février, dans le cadre d’un Comité social et économique central extraordinaire (CSECE).
Malika Ammar, ingénieure qualité à Alstom et élue CGT, en ressort déçue, elle n’a « rien appris de nouveau que ce qui est sorti dans la presse la veille ». Selon les informations de Libération, le plan prévoit la suppression de 293 postes, dont 227 CDI, ce qui équivaut à 12 % des 2 400 salariés présents au siège, à Saint-Ouen. Sont particulièrement concernés : les « fonctions supports », occupées par des cadres, commerciaux et administratifs.
Selon la direction de l’entreprise, ces suppressions seront « des départs naturels (…) dans la mesure du possible ». Ce qui, pour Malika Ammar, fait écho à une réalité tout autre : « les CDD, intérimaires et plus généralement les salariés précaires, sont les plus faciles à faire déguerpir, ce seront les premiers à se retrouver sur le carreau ». Au total, le groupe prévoir de supprimer 1 537 emplois dans le monde sur les 80 000 salariés de l’entreprise.
Bombardier, un rachat mal digéré
Alstom déraille alors que le contexte de transition énergétique lui est propice et que son carnet de commandes déborde. Il y a une semaine, Île-de-France Mobilités lui a commandé 103 nouvelles rames de métro, destinées à moderniser les lignes 13, 8 et 12, pour un montant de 1,1 milliard d’euros.
Mais le fabricant de TGV à Saint-Ouen peine à honorer ses contrats dans les délais qui lui sont impartis, notamment ceux remportés dans le cadre du rachat de son concurrent canadien Bombardier Transport, en janvier 2021. C’est à partir de ce moment qu’Alstom perd de la vitesse mais également 581 millions d’euros entre 2021 et 2022.
Le 10 mai 2023, le groupe annonce une perte nette de 132 millions sur son exercice décalé de 2022-2023, montant divisé par quatre depuis l’année précédente. Mais le poids des amortissements liés aux activités de Bombardier pèse encore sur le groupe. Sur la même période, son chiffre d’affaires s’accroît de 7 %, atteignant 16,5 milliards d’euros.
3,4 milliards de dettes
Le fabricant de TGV semblait remonter doucement à bord jusqu’à ce qu’il annonce, le 15 novembre dernier, un résultat net de seulement un million d’euros d’avril 2023 à mars 2024. Il se trouve aussi en panne de trésorerie et endetté à hauteur de 3,4 milliards d’euros.
Un plan de réduction des coûts est alors décidé : le groupe prévoit la suppression de 1 500 postes de cadres, commerciaux et administratifs équivalent temps plein, 500 millions à 1 milliard d’euros de cession d’activité et, possiblement, une augmentation du capital pour réduire sa dette de 2 milliards d’euros d’ici mars 2025.
Selon le dirigeant, Henri Poupart-Lafarge, il s’agit de « la dernière phase d’intégration de Bombardier » qui ne s’achèvera pas avant deux ans. En attendant, une mobilisation organisée par l’intersyndicale est prévue ce jeudi 15 février au siège d’Alstom.