Une bonne partie des directeurs d’hôpitaux et des responsables des agences régionales de santé (ARS) relaient actuellement avec zèle le discours du gouvernement et sont dans le déni le plus total de la gravité de la situation. De ce fait, ils perdent leur crédibilité auprès des personnels, rompant toute possibilité de dialogue social au sein des établissements.
Pour illustrer cette situation, je voudrais citer deux exemples récents. Lors d’un déplacement dans le Finistère pour un débat public, interrogé par la presse sur la situation catastrophique des services d’urgences dans le département, j’avais déclaré que le système de santé était en train de s’effondrer. Demandant à être reçus par l’ARS, nous n’avions pas pu rencontrer le directeur territorial car le poste était alors vacant.
Il y a quelques jours, le nouveau directeur enfin en poste est interrogé par la même journaliste, qui reprend mes propos et lui demande de réagir. Je le cite car il s’agit d’une véritable perle de langage technocratique : « Je dirais plutôt que le système de santé, en France, est en pleine mutation. Une mutation profonde, lourde et porteuse d’inquiétude, mais aussi d’espoir et d’amélioration. »
Il y a quelques jours, une réunion était organisée dans le cadre de la deuxième enquête d’utilité publique concernant le projet d’Hôpital Nord à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Deuxième enquête car la première a été invalidée par le tribunal administratif par manque de certains éléments. Surtout, une forte critique était émise concernant la diminution globale du nombre de lits, conséquence de la fermeture de deux hôpitaux que ce nouvel établissement est censé remplacer.
Ce fait très important est éludé et les directeurs de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris présents nous déroulent un diaporama dithyrambique sur ce qui doit constituer, je cite, « le plus grand centre hospitalo-universitaire d’Europe ». Par contre, il nous est expliqué sans vergogne qu’un hôtel situé face à l’hôpital hébergera les patients la nuit, entre leurs soins, et compensera la diminution du nombre de lits. Et silence sur les problèmes d’accès dans un milieu urbain très dense, tandis que nous est vendu comme un parc paysager ce qui n’est en fait qu’un square.
Un seul qualificatif me vient à l’esprit pour ces discours : insupportable. C’est d’ailleurs ce qu’ont ressenti la quasi-totalité des personnes présentes dans la salle à Saint-Ouen – et des lecteurs du journal à Quimper, qui m’ont signalé l’article. C’est insupportable de suffisance et la marque d’un mépris affirmé.
En particulier quand certains nous servent l’argument d’inquiétudes injustifiées du fait d’une mauvaise compréhension des enjeux. Puis on fait preuve de la pédagogie nécessaire pour mieux faire accepter ces évolutions, toujours présentées comme incontournables. Bref, nous sommes des imbéciles arriérés, alors qu’eux savent ce qui est bon. Sachez, mesdames et messieurs, que la légitimité des professionnels et de la population est au moins équivalente à la vôtre, et que nous la défendrons avec tous les moyens disponibles.