Fabrice Leggeri a longtemps arpenté les couloirs de l’hôtel de Beauvau, quand, sous l’autorité de Jean-Pierre Chevènement, il officiait à la section du trafic transfrontalier, des frontières et des visas. C’était avant d’occuper, à partir de 2000, au sein de la Commission européenne, les fonctions qui l’ont placé, en 2015, à la direction de l’agence des garde-côtes et garde-frontières Frontex.
Aujourd’hui, l’énarque tombe définitivement le masque, à l’occasion de la campagne des élections européennes de juin, en rejoignant la liste présentée par le Rassemblement national et sur laquelle il pourrait figurer en troisième position. Promettant de « combattre la submersion migratoire », le nouveau chouchou de Jordan Bardella voit dans le projet du parti lepéniste une « opportunité unique de remettre la France et l’Europe sur le droit chemin ».
Ce haut fonctionnaire a déjà démontré ce dont il est capable. Visé par une procédure disciplinaire lancée par l’Office européen de lutte antifraude, Fabrice Leggeri a démissionné de son poste en 2022. Et pour cause, depuis 2015, l’homme a fait l’objet de nombreuses allégations de harcèlement et d’irrégularités dans l’attribution de marchés publics.
L’homme qui a fait de Frontex le bras armé de « l’Europe forteresse »
Les ONG de défense des droits de l’homme ont également dénoncé, à plusieurs reprises, son active résistance au recrutement d’agents des droits fondamentaux, pourtant prévu par le règlement de Frontex. Fabrice Leggeri s’est d’ailleurs toujours débrouillé pour ne pas avoir à s’entourer des trois directeurs exécutifs adjoints prévus par les textes. Sa responsabilité est surtout pointée dans de nombreux refoulements illégaux d’exilés, à la frontière gréco-turque, dont certains aux conséquences dramatiques.
Ces agissements ont été dissimulés au Parlement européen, pourtant chargé du contrôle de l’agence. Directeur juridique de l’ONG Front-Lex, Omer Shatz n’hésitait pas, en mai 2022, à faire le lien entre le fonctionnement et le management de Frontex, et la hausse de la mortalité sur la route migratoire de Méditerranée centrale. « Leggeri n’aurait pas dû démissionner, expliquait-il. Il aurait dû être licencié. Pas aujourd’hui, mais il y a des années (…). C’était l’obligation du commissaire et du conseil d’administration de Frontex. Personne ne peut défaire les innombrables vies perdues et les séquelles dues aux sévices qu’ont subis les personnes maltraitées. »
C’est toutefois sous la direction du dorénavant candidat RN que l’agence s’est vue attribuer des financements en forte hausse, à 6,4 milliards d’euros, sur la période 2021-2027, contre 2,4 milliards d’euros de 2014 à 2020. L’homme est d’évidence un promoteur convainquant de l’Europe forteresse, ce qui ne pouvait que séduire l’extrême droite française, dont le programme est on ne peut plus clair : inhumanité et non-respect du droit international. Dans ce domaine, elle entend bien s’entourer des meilleures recrues possible.