En déplacement dimanche 11 février sur l’archipel, confronté à une grave crise migratoire et à de graves problèmes d’insécurité, le ministre de l’Intérieur a annoncé une révision constitutionnelle uniquement destinée à l’île.
Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin, a annoncé hier “la fin du droit du sol” à Mayotte, archipel de l’océan Indien en proie à une vive contestation sociale contre l’insécurité et l’immigration irrégulière. Des barrages routiers d’habitants en colère paralysent l’activité de ce département français depuis le 22 janvier.
“Nous sommes venus apporter des réponses à cette crise importante, et notamment en premier des réponses sur la question migratoire”, a déclaré Gérald Darmanin à son arrivée à Mayotte, où l’accompagne la nouvelle ministre déléguée aux Outre-mer, Marie Guévenoux.
“Le président de la République m’a chargé de dire aux Mahorais que nous allons prendre une décision radicale, qui est l’inscription de la fin du droit du sol à Mayotte”, a-t-il dit, précisant qu’une révision constitutionnelle serait engagée en ce sens.
Une décision uniquement destinée à l’archipel
“Nous couperons ainsi littéralement l’attractivité qu’il peut y avoir dans l’archipel mahorais”, a poursuivi le ministre. “Il ne sera donc plus possible de venir à Mayotte de façon irrégulière ou régulière, de mettre un enfant au monde ici et d’espérer devenir français de cette façon”, a-t-il souligné, ajoutant que cette mesure serait circonscrite à l’archipel mahorais, confronté à une forte immigration en provenance de l’Afrique des Grands Lacs, notamment. “Il ne s’agit pas de le faire pour d’autres territoires de la République”, a précisé Gérald Darmanin.
Devant les citoyens et les élus Mahorais, nous avons pris, avec @mguevenoux, l’engagement de mettre en œuvre les mesures nécessaires au rétablissement de la paix publique à Mayotte : fin du droit du sol, durcissement du regroupement familial, limitation drastique des titres de… pic.twitter.com/rzuYG2UhBN
– Gérald DARMANIN (@GDarmanin) 11 février 2024
Le droit du sol permet à un enfant né sur le territoire français de deux parents étrangers d’acquérir automatiquement la nationalité française à ses 18 ans. Une disposition de la loi immigration durcissant le droit du sol à Mayotte, en Guyane et à Saint-Martin a été censurée le 24 janvier dernier par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle constituait un “cavalier législatif”.
Fin des visas territoriaux
Le ministre des Outre-mer a annoncé par ailleurs que le futur projet de loi Mayotte mettrait fin aux visas territorialisés, que les Mahorais jugent inéquitables. Un titre de séjour “territorialisé” attribué à Mayotte ne permet pas de circuler dans le reste du territoire français ou en Europe, ce qui entraîne une concentration d’étrangers dans l’archipel.
Dans une vidéo postée sur X avant son départ pour Mayotte, Gérald Darmanin assure que les migrants regroupés dans un camp de fortune autour du stade de Cavani, à Mamoudzou, seront évacués. Les personnes qui ont un statut de réfugié seront “rapatriées dans l’Hexagone”, celles qui sont en situation irrégulière seront renvoyées dans leur pays d’origine, dit-il.
“Enfin !” pour Eric Ciotti
“Enfin !”, s’est exclamé le président des Républicains, Éric Ciotti qui souligne qu’une “proposition de loi constitutionnelle est sur la table depuis un an”. Très attendue par la droite, en particulier par les parlementaires de l’archipel à l’instar de Mansour Kamardine qui souhaite que “Mayotte reste Mayotte, c’est-à-dire un territoire français habité par des Français”.
Le président des sénateurs LR Bruno Retailleau a regretté une perte de temps et dit : “Si le Sénat avait été écouté…”. L’extrême droite veut même aller encore plus loin, comme Eric Zemmour, président de Reconquête qui demande tout simplement de “supprimer le droit du sol sur tout le territoire national”.
De quoi agacer la gauche en revanche. Boris Vallaud (PS), a annoncé que son groupe s’opposerait à la révision constitutionnelle car “le droit du sol n’est pas négociable”. Manin Aubry, tête de liste des Insoumis aux Européennes regrette que “la Macronie attaque la conception même de la nationalité”. Sur le même ton, l’écologiste Marie Toussaint, parle d’une “démolition de nos valeurs par un président de la République qui devance l’extrême droite”.
“Rideau de fer”
Le ministre de l’Intérieur, qui est venu accompagné d’un renfort de 15 hommes du GIGN, a engagé par ailleurs l’acte II de l’opération policière Wuambushu, lancée en avril 2023, contre la criminalité dans l’archipel, l’immigration irrégulière et les habitats illégaux.
Il a annoncé la prochaine mise en place “d’un rideau de fer dans l’eau pour empêcher le passage des kwassa kwassa”, des canots de pêche comoriens utilisés par les passeurs.