Le 15 novembre dernier, le gouvernement a présenté un projet de loi « visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires » en Conseil des Ministres. Ce texte a été transmis à la Commission des Lois du Sénat dans le cadre d’une procédure accélérée. Dans son ensemble, ce projet composé de 7 articles met gravement en danger la liberté de conscience, de religion et de conviction et pose de nombreux problèmes de conventionalité et de conformité à la Constitution et au droit international des libertés fondamentales.
Ce projet semble influencé par un réseau d’associations controversées entièrement financées par l’Etat (ADFI/UNADFI[i], CCMM[ii], CAFFES, FECRIS[iii], etc.) et avalisées par un organisme d’Etat, en l’occurrence la MIVILUDES. Ce dernier organisme présente la particularité un peu étrange d’avoir été créé par ce même réseau associatif, d’être en partie dirigé par des cadres de ce réseau et de décider des montants des subventions alloués à ces mêmes associations au moyen d’un système opaque d’auto-attribution des deniers publics. L’opacité et l’apparente irrégularité de ces méthodes a conduit des organisations et des citoyens concernés par les droits de l’homme à signaler à la Cour des Comptes l’existence d’un possible conflit d’intérêt et demander l’ouverture d’une enquête sur le sujet[iv].
Au-delà des problèmes soulevés par les activités de ces réseaux de lobbying et de l’ensemble du projet de loi qu’ils promeuvent, des informations récentes, mettant en évidence les relations entre ces associations et certains laboratoires pharmaceutiques, nous ont amenés à examiner plus en détail un des articles du projet, en l’occurrence l’article 4.
Cet article crée un délit de « provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique ». Le Conseil d‘Etat, saisi pour examiner cette loi, a justement relevé que cet article permettrait « l’incrimination de contestations de l’état actuel des pratiques thérapeutiques », mettant en danger « la liberté des débats scientifiques et le rôle des lanceurs d’alerte ». Il a également considéré que « de telle dispositions constituent une atteinte portée à la liberté d’expression ». Cet article ainsi que le projet de loi ont fait l’objet de nombreuses critiques et les députés ont été alertés des critiques citoyennes via le site Web Nos Lois, qui indique que plus de 80% des avis recueillis sont contre[v].
On découvre que la députée portant ce projet à l’Assemblée, Brigitte Liso, a travaillé pour le géant de l’industrie pharmaceutique GSK[vi], qu’elle a elle-même fait partie du conseil d’orientation de la Miviludes[vii], et qu’elle s’est vantée d’avoir usé de son entregent pour avoir obtenu des subventions de la Miviludes pour une association (CAFFES). Cette agence gouvernementale dont la conseillère « santé » Chantal Gatignol, non contente de faire des conférences et des émissions télé sur les sectes et la santé, a publié avec le LEEM, syndicat regroupant les entreprises du médicament en France, ou syndicat de l’Industrie pharmaceutique, un livre blanc sur le sujet des fake news et de la santé[viii].
Chantal Gatignol n’est pas la seule employée de la Miviludes à faire la tournée des lobbys de Big Pharma. En effet, en 2018, Serge Blisko[ix], alors président de la Miviludes, intervenait au Festival de la santé pour défendre le fameux « consensus scientifique ».
Gérald Bronner[x], membre du conseil d’orientation de la Miviludes, dont les études sociologiques sont controversées, fait régulièrement des conférences pour le LEEM, intervenant à plusieurs reprises, en 2013, en 2018 et en 2021, sur des sujets comme les fake news (encore ?), et les croyances collectives. Sans blague.
En 2022, la cheffe de la Miviludes Hanène Romdhane[xi] elle-même donnait une conférence au CHAM, groupe de lobby du monde de la santé, une fois encore sur les dérives réelles ou supposées de certains professionnels de la santé.
En 2022 également, la présidente de l’UNADFI Joséphine Cesbron[xii], à l’époque membre du conseil d’orientation de la Miviludes, participait à une conférence au CHAM.
Cette proximité croissante (congrès communs, conférences, l’interpénétration de certains cadres de ces sociétés privées dans les structures de l’État et les associations luttant contre les « sectes »), ainsi que les sujets abordés (attaques violentes contre l’ostéopathie, la naturopathie, l’homéopathie, la chiropractie, l’ensemble des techniques non médicamenteuses visant à combattre le stress ou l’anxiété, et tout ce qui est « différent » rebaptisé « fake news », etc.) font naitre un soupçon quant aux objectifs réels de ce projet de loi, qui semble viser à criminaliser la simple expression d’une critique remettant en cause le recours presqu’exclusif à une solution médicamenteuse pour traiter les problèmes que ces techniques alternatives entendent résoudre ou soulager.
On peut aller plus loin et se poser des questions sur l’origine de la loi. Il se trouve que la Miviludes et le réseau d’associations qui la composent (et qui ne survit que par les subventions que cette agence gouvernementale leur attribue) doit justifier de l’importance du phénomène des « dérives sectaires » et surtout de son « augmentation quasi exponentielle » pour continuer à exister.
Dans ses déclarations les plus récentes, la Miviludes indique que les dérives sectaires connaissent une croissance extrêmement préoccupante depuis ces trois ou quatre dernières années et toucheraient près de 500 000 personnes. Le nombre des personnes touchées ou des enfants qui seraient en danger n’a aucun fondement et c’est le président de la Miviludes qui le dit dans la réponse qu’il a donnée à l’association CAP Liberté de Conscience qui avait demandé à la Miviludes de justifier ses chiffres. [xiii]
De plus, Il y a quarante ans, en 1984, les services de l’état (ancêtres de la Miviludes) et ces associations estimaient ce nombre à… 500 000 ! Autrement dit, soit ce chiffre est faux ou mensonger, soit les millions d’argent public qui leur a été accordé pendant des décennies ont été bien mal investis, puisque leur bilan en termes d’efficacité est nul.[xiv]
La Miviludes et ses associations partenaires justifient cette nouvelle loi en s’inquiétant de l’augmentation des « saisines » auprès de la Miviludes.
Pour les saisines il en va de même que pour le nombre de personnes ou d’enfants « en danger » :
La Miviludes et Mme la Députée Brigitte Liso mettent en avant l’augmentation des saisines en omettant de mentionner l’avis récemment rendu par la CADA (Commission d’accès aux documents administratifs) daté du 15 mai 2022, en réponse à la requête d’un avocat en vue d’obtenir une copie de toutes les «saisines» reçues par la MIVILUDES depuis 2015, au sujet des Témoins de Jéhovah.
La MIVILUDES a objecté que les « saisines » ne comprenaient pas seulement des « signalements » relatifs à quelque faute spécifique, mais également de simples commentaires, des échanges institutionnels et des demandes d’avis émanant de particuliers.[xv]
Cette réponse de la Miviludes montre clairement que le nombre des saisines n’implique pas forcement de « danger » puisque sont aussi comptabilisés « de simples commentaires, des échanges institutionnels et des demandes d’avis émanant de particuliers »
L’étude de leur littérature apporte des éléments qui permettent d’expliquer en partie cet illogisme. La Miviludes a tout simplement étendu ses « compétences » à des domaines qui n’ont rien à voir avec une quelconque « secte », si tant est que ce mot revête une quelconque réalité, pour pouvoir affirmer une augmentation de ces statistiques.
Aujourd’hui, ces services s’en prennent à peu près à tout ce qui peut vaguement ressembler à une pratique alternative et non conventionnelle.
Finalement, plutôt que 500 000 personnes touchées par les « sectes », le chiffre de 67 millions de Français semblerait presque plus juste…
Une dernière question se pose en guise de conclusion. Pourquoi le gouvernement maintient-il le texte en l’état, malgré un avis clairement défavorable du Conseil d’Etat qui en dénonce les aspects liberticides ? La réponse est qu’une fois votée, cette loi n’a aucune chance d’être soumise au Conseil Constitutionnel et que ces aspects ne seront jamais soulevés y compris durant les débats parlementaires visant à la faire adopter.
[i] https://freedomofbelief.net/fr/activites/unadfi-signale-a-la-cour-nationale-des-comptes-francaise
[ii] https://freedomofconscience.eu/cpr-international-covenant-on-civil-and-political-rights-132-session-state-funding-of-anti-religious-associations-in-france/
[iii] https://freedomofbelief.net/fr/activites/arretez-le-financement-gouvernemental-des-activites-anti-religieuses-des-groupes-de-la
[iv] https://freedomofbelief.net/fr/activites/unadfi-signale-a-la-cour-nationale-des-comptes-francaise
[v] https://hrwf.eu/france-religious-freedom-under-threat-over-85-of-french-people-are-against-a-new-law/
[vi] https://www.la-croix.com/France/Politique/deputes-LREM-Brigitte-Liso-Thomas-Mesnier-racontent-lAssemblee-2018-06-22-1200949293
[vii] https://twitter.com/brigitte_liso/status/1316067777397108736/photo/1
[viii] https://www.leem.org/sites/default/files/2021-05/Leem-LivreBlanc-FakeNews-V11.pdf
[ix] https://festivalcommunicationsante.fr/partenaires-sponsors/
[x] https://www.leem.org/media/les-explorateurs-de-la-sante-conference-biotech-gerald-bronner
[xi] https://www.canalcham.fr/conventions/cham-2022/
[xii] https://www.canalcham.fr/conventions/cham-2022/
[xiii] https://lefeudetapresence.com/2022/02/03/la-france-et-ses-mensonges-la-miviludes-500-sectes-500-000-victimes-en-france-la-miviludes-avoue-ne-pas-disposer-de-donnees-recentes/
[xiv] https://www.decitre.fr/livres/les-sectes-9782738112842.html
[xv] https://bitterwinter.org/rapport-2022-de-la-miviludes-de-la-negligence-a-la-diffamation/
ADFI : Association pour la Défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes
CCMM : Centre contre les manipulations mentales
CHAM : Convention on Health Analysis and Management (https://www.canalcham.fr/en/)
LEEM : LAB Médicament et Société
MIVILUDES : Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
UNADFI : Union nationale des Associations de défense des Familles et de l’Individu victimes de sectes
FECRIS : Fédération européenne des centres de recherche et d’information sur le sectarisme