Les confinements ont accéléré la numérisation du quotidien, ou plutôt la nécessité d’avoir un smartphone. Les menus de nombreux eating places ont été substitués par des QR Codes à scanner, et même pour aller visiter une exposition ou un musée, il faut désormais brandir son billet électronique. Certains résistent encore et toujours à cet envahisseur.
Thomas Le Bonniec, 28 ans, n’a jamais eu de smartphone. « Vers 15 ans, j’ai eu mon premier téléphone, un BIC, mais depuis, je n’achète plus que des Nokia 1100, d’event forcément, mais certains m’ont bien duré six ans, raconte le jeune homme. Leur seul défaut est la mémoire, qui ne permet de stocker qu’une soixantaine de SMS. »
De nombreux casse-tête
La quasi-obligation de passer par la plateforme privée Doctolib pour se faire vacciner est encore un exemple frappant des conséquences de la pandémie. « Et même quand on n’a pas de compte, on se retrouve enrôlé, lorsque c’est le médecin qui l’utilise pour gérer son agenda, on reçoit quand même des textos de l’entreprise », regrette Thomas Le Bonniec. « Si pour accéder à un service public, on a besoin d’un accès individualisé through un smartphone, on peut légitimement se poser la query si c’est encore un service public », renchérit Alexandre Monnin, enseignant-chercheur en redirection écologique à l’ESC Clermont.
L’accès aux companies bancaires est un autre exemple de casse-tête. Thomas s’est battu pendant quatre ans avec la Banque postale pour recevoir ses certicodes par SMS pour valider un achat ou un virement, en useless. Il doit se résoudre à placer sa carte SIM dans le smartphone d’un proche. Comme la Banque postale a pour mission d’assurer un service bancaire de base à tous, Thomas se despatched légitimement en colère.
« Quand tu es aux premières loges, témoin du fait que ton smartphone peut t’enregistrer à tout second, tu as encore moins envie d’en avoir un. »
Thomas Le Bonniec
En France, selon l’Insee, 97 % des 18-39 ans ont un smartphone, contre 56 % des plus de 70 ans. C’est sûr que Thomas n’est pas le plus représentatif des Français non équipés, d’autant que si beaucoup le subissent, lui l’a choisi. « Il y a plusieurs profils de personnes qui ne sont pas équipées, à commencer par les plus âgées, qui ont peur de s’y perdre », avance Alexandre Monnin. « Pour obtenir des paperwork pour sa retraite par exemple, il est devenu regular de passer par Web, il faut expressément demander à recevoir des courriers papier, et par l’administration, c’est traité comme une déviance », poursuit l’auteur du livre Politiser le renoncement, paru en 2023 aux éditions Divergences.
Pour Thomas, ne pas avoir de smartphone n’était pas un acte militant, à l’origine en tout cas. Ado, il n’avait jamais ressenti le besoin de se balader avec un petit ordinateur dans la poche. Pour la musique, un baladeur fait parfaitement l’affaire, pour appeler, son téléphone aussi. « Avec un smartphone, il faut créer des dizaines de comptes pour les purposes, sauvegarder sa vie sur le cloud, subir les notifications constantes, énumère-t-il. Je ne peux répondre aux mails que lorsque je suis devant mon ordinateur, et pour moi c’est un confort. Quand je regarde mes proches, j’ai honnêtement du mal à comprendre en quoi un smartphone facilite la vie. »
Les neurosciences mobilisées par TikTok ou Instagram
Puis, Thomas a travaillé pour un sous-traitant d’Apple en Irlande. Son rôle était d’écouter les propriétaires d’iPhone lorsqu’ils s’adressaient à Siri. Il pouvait traiter plus de 1 000 enregistrements de dialog par jour. « Quand tu es aux premières loges, témoin du fait que ton smartphone peut t’enregistrer à tout second, t’as encore moins envie d’en avoir un, » résume-t-il.
Ce 6 février est la Journée mondiale sans smartphone, portée par l’écrivain Phil Marso et son affiliation Adikphonia. Ce n’est pas la première, et on peut, en creusant, trouver quelques signaux faibles d’une prise de conscience : depuis 2022 par exemple, les ventes de téléphone à clapet ont augmenté de manière très significative.
Thomas se despatched toujours très seul dans sa place de résistant. Même s’il a vu les réactions changer à son égard. « Il y a quelques années, on me disait que j’étais fou, personne ne comprenait pourquoi je me privais de smartphone, développe le jeune homme. Aujourd’hui, on me dit : tu as raison, j’aimerais pouvoir le faire aussi mais j’en ai trop besoin. »
Thomas, qui est depuis peu doctorant en sociologie, questionne ce mot de « besoin ». Il y voit plutôt l’inverse : une contrainte généralisée, on se sentirait obligé de l’avoir, y compris professionnellement. Il a aussi du mal à comprendre qu’on évoque une forme d’habit au smartphone. « On me dit souvent que le smartphone, c’est comme la cigarette, c’est bien plus facile de s’en passer quand tu n’as jamais fumé », sourit-il.
Il voit bien remark les neurosciences ont été mobilisées dans des outils comme TikTok ou Instagram, sur lesquels on peut passer un temps virtuellement infini, puisqu’on n’a qu’à bouger le petit doigt pour ingérer toujours plus de contenu. Mais il accuse plutôt le modèle économique des plateformes : plus on reste dessus, plus on consomme de pub, pas l’outil en lui-même.
L’appel au politique
Alexandre Monnin partage plutôt cet avis. « Ces études sur la santé sont un peu des marronniers et elles ne sont jamais réellement conclusives. J’y vois plutôt des discours moralisateurs qui renvoient à la responsabilité des dad and mom, mais qui n’aident pas à comprendre pourquoi ces applied sciences sont déployées. »
Sa thèse est que, dans nos sociétés, on veut régler les problèmes en ajoutant systématiquement quelque selected : un service, un dispositif, un nouvel outil… Pour lui donner raison, il n’y a qu’à voir la quantité d’purposes disponibles à télécharger dont le seul however est de permettre à l’utilisateur de limiter son temps passé sur les réseaux sociaux.
« Nous sommes conditionnés à croire qu’innover c’est ajouter. Il n’y a aucune establishment qui défend le renoncement. C’est pour cela d’ailleurs que c’est un peu un acte héroïque et isolé de se passer de smartphone en 2024. » Le mouvement ne peut prendre que collectivement. Le chercheur appelle le politique à s’emparer du sujet et à développer des buildings permettant d’apprendre et d’expérimenter le renoncement. Lorsqu’il est collectif, ce renoncement apparaît moins pénible. Ainsi, sur le discussion board Reddit, plus de 17 000 personnes ont décidé, ensemble, d’abandonner leur smartphone.
Une étude publiée en octobre 2023 à ce sujet est particulièrement éclairante. Quatre économistes ont interrogé 600 étudiants nord-américains. À la query : combien faudrait-il vous payer pour que vous vous passiez de TikTok pendant un mois, ils répondent en moyenne 59 {dollars}. En revanche, ils seraient prêts à payer 28 {dollars} pour rendre le réseau social inaccessible à tout le monde, et ainsi reconstruire leur vie sociale sans lui ; et plus des deux tiers d’entre eux voudraient même que TikTok n’ait jamais existé. Une tentative très basique de chiffrer le coût social d’un abandon de la plateforme.
Une notion qui est devenue familière à Thomas Le Bonniec, qui a perdu une partie de ses relations. « Je ne suis pas dans des boucles WhatsApp, alors j’ai raté plein de soirées et d’événements… Quelque half, je demande à mes amis de faire un effort supplémentaire pour se memento que je n’ai pas de smartphone et pour me contacter autrement, et certains ont juste arrêté de le faire », soupire le jeune homme. « C’est là que j’ai compris qu’il y a un vrai coût au fait de ne pas être dans le réseau. »