Oise, Val-d’Oise, envoyés spéciaux.
Prêts pour « le grand jour ». Il est 10 heures, Antoine et Jean-Paul, 43 et 63 ans, tous deux céréaliers, se retrouvent au comptoir du bar-tabac Le Commerce à Crépy-en-Valois pour préparer ce « grand jour ». Mobilisés depuis près d’une semaine, ils ont les traits tirés, fatigués de la gestion de leur activité, mais aussi de ce mouvement qu’ils veulent faire durer.
Dans une heure, ils rejoindront le level de blocage prévu sur l’A1, où les attendent une dizaine de collègues et leurs tracteurs afin d’« assiéger Paris ». « On s’est mobilisés loin des grandes villes, mais on ne nous a pas écoutés, déplore le plus jeune. Alors on se rapproche pour accentuer la pression et leur dire : si vous ne venez pas à nous, on viendra à vous. »
12 h 45, Vigny : « C’est pas regular de vivre des aides plutôt que de son travail »
À une cinquantaine de kilomètres de l’A1, un autre barrage se prépare le lengthy de la nationale 14 qui prolonge l’autoroute vers Rouen. Romain voit arriver les premiers tracteurs. Dans ces grands espaces du parc du Vexin, les engins qui se garent sur une petite voie sont aussi impressionnants que les champs de grande tradition qu’ils doivent sillonner.
Maxence, en première année de BTS en lycée agricole, illustre une jeunesse qui tranche avec les traits mûrs des agriculteurs à ses côtés. « Je suis ici parce que je vois que c’est dur pour mon patron. C’est pas regular de vivre des aides plutôt que de son travail. »
13 h, Villeron : Dernières consignes avant le départ
Ils sont une bonne trentaine en arc de cercle autour de Nicolas Hervin et Guillaume Moret, respectivement présidents des Jeunes Agriculteurs et de la FDSEA locales. « Je vous préviens, on doit être exemplaires ! lance le premier. Pas de violence, pas de grabuge, on go well with les consignes des gendarmes. »
L’objectif de la journée est d’atteindre l’aire de Chennevières, où le blocage de l’A1 débutera pour une durée illimitée. Il ne sera pas difficile à atteindre, une escorte par les gendarmes est prévue. « Mais on half quand ? » demande-t-on dans l’help. Le départ prend une heure de retard. « On attend encore un tracteur et le feu vert des motards de la gendarmerie, précise-t-il encore en jetant un œil à son téléphone. Ils nous nettoient le parcours, c’est presque bon. »
13 h 20, Vigny : pas de convergence des luttes
Les tracteurs font vrombir leur moteur. Mais le cortège reste sur place. La manifestation des taxis, en colère contre la réforme des transports sanitaires, a pris place à Argenteuil, sur le website convoité par la FDSEA et les JA. « Les taxis sont sur l’A15. D’autres secteurs parlent de se mobiliser. Mais on est là pour l’avenir de l’agriculture. Pour nos revendications. On n’est pas là pour la convergence des luttes ! »
15 h, Chennevières-lès-Louvres : l’A1 est bloquée, « Paris, c’est pas si loin »
Sur plusieurs centaines de mètres, les tracteurs occupent l’autoroute A1, comme prévu. La tête est arrêtée à hauteur de l’aire de Chennevières, où un mur de paille est édifié au beau milieu de la route pour séparer la colonne de véhicules agricoles de ceux des forces de police.
Nous y retrouvons Antoine et Jean-Paul, les céréaliers de Crépy-en-Valois. « Normalement, nous devions laisser les véhicules sur la chaussée et, nous, agriculteurs, devions nous rassembler sur l’aire, raconte Antoine. Je crois qu’on est trop nombreux, finalement, on va devoir camper sur la voie, c’est pas commun. » Quelques mètres plus loin, Julien, maraîcher de 32 ans, se prend à rêver : « Paris, c’est pas si loin, à 50 km/h, on peut y être dans une demi-heure. »
15 h 15, Paris : réunion de crise à l’Élysée
À une trentaine de kilomètres de l’A1, justement, Emmanuel Macron convie en urgence à l’Élysée son premier ministre, ainsi que Marc Fesneau (Agriculture), Christophe Béchu (Transition écologique) et Gérald Darmanin (Intérieur). Plus tard dans la journée, Gabriel Attal a également reçu les représentants de la FNSEA et des JA. Insuffisant pour arrêter les blocages. Les annonces du locataire de Matignon, vendredi 26 janvier, n’ont pas calmé la colère ; le gouvernement cherche toujours une difficulty.
15 h 30, Argenteuil : le blocage devient campement
Encadrés par la gendarmerie, les cinquante tracteurs bleus, verts, rouges parviennent au niveau de l’échangeur de l’A15 avec l’A86. Ici, les milliers de véhicules quotidiens ne passeront plus. Ce blocage – le plus proche de Paris – s’organise, avec les conseils des forces de sécurité. Bottes de paille déposées à l’arrière, tracteurs garés sur les quatre voies.
À l’avant, le barnum est déployé. La base de vie est bien équipée. Des Eco Toilettes du Vexin sont déposées. Une camionnette et un camion drapé du slogan « Notre fin sera votre faim » contiennent de quoi tenir le blocus. En sens inverse, les Klaxon d’encouragements accompagnent l’set up.
Des représentants syndicaux commencent à répondre aux questions des médias. « L’event est trop belle de nous faire entendre. Ça fait des années qu’on dit qu’on marche sur la tête. Cette fois, on begin à être entendus. Mais on restera jusqu’à ce que l’on ait des réponses concrètes. Pas une simplification administrative par-ci, par-là », explique un gilet vert FNSEA à une journaliste japonaise.
15 h 50, Île-de-France : les huit factors de blocage sont atteints
Avec un peu de retard, le « siège de Paris », ainsi surnommé par la FNSEA et les Jeunes Agriculteurs (JA), a donc pris place. Concrètement, huit autoroutes sont barrées. Les axes vers la Normandie, la Belgique, Bordeaux, Lyon, Strasbourg sont ainsi bloqués à quelques dizaines de kilomètres de la capitale.
17 h 45, Paris : « Des mesures prises demain »
À l’difficulty du Conseil des ministres, la porte-parole du gouvernement Prisca Thevenot annonce que de « nouvelles mesures seront prises dès demain » en faveur des agriculteurs. « Notre motion ne s’arrête pas aux annonces faites vendredi dernier (…) la mobilisation du gouvernement en faveur des agriculteurs s’inscrit dans la durée », assure-t-elle.
Mais l’exécutif semble pour l’heure incapable de remettre en query ses dogmes budgétaires et favorables au libre-échange. Donc, de répondre aux revendications des paysans mobilisés.
18 h, Argenteuil : « On se relaie jusqu’à au moins jeudi »
Les journalistes commencent à laisser les bancs aux vrais occupants. L’asphalte est désormais aux hommes de la terre. Beaucoup repartent chez eux à la nuit tombée, mais un petit groupe a prévu de rester toute la nuit. Certains ont leur tente, d’autres ont remorqué leur caravane. « On va se relayer jusqu’à obtenir des réponses concrètes », sourit Romain, une bière du Vexin à la most important.
La même organisation se met en place à Chennevières, sur l’A1. Jean-Paul, parti de l’Oise lundi matin, veut que le blocage dure : « Il faut que le gouvernement comprenne qu’on ne rigole pas. Avec mon ami Antoine, on s’est organisés pour pouvoir dormir au moins jusqu’à mercredi sur l’autoroute. Mais on ne s’arrêtera pas là. »