Le procès judiciaire, ce « grand second de vérité », peut-il se passer des clichés du photographe de presse ? « Non », guarantee Me Basile Ader, le conservateur du musée du Barreau de Paris, qui publie en ce mois de janvier Clichés d’audiences. Un ouvrage à la vocation presque militante : montrer que la photographie a toute sa place dans les prétoires.
C’est une loi de décembre 1954 qui l’a boutée hors de ces lieux, malgré le principe de « publicité » de la justice, après les débordements constatés lors des procès de l’« empoisonneuse de Loudun », Marie Besnard ou de Gaston Dominici.
Seules quelques prises de vue peuvent être autorisées
Depuis cette date, soit près de soixante-dix ans, « l’emploi de tout appareil permettant d’enregistrer, de fixer ou de transmettre la parole ou l’picture » est théoriquement « interdit », dès « l’ouverture de l’viewers ». Seules quelques prises de vue peuvent être autorisées, avant l’ouverture des débats, sur demande spéciale, et si toutes les events y consentent. Ce qui donne lieu à la traditionnelle mais furtive nuée de photographes, s’agglutinant devant le field des accusés, comme lors du récent procès de Monique Olivier à Nanterre.
Si la loi « pour la confiance dans l’establishment judiciaire » (2021) a bien élargi la possibilité de « filmer » des audiences de justice civile, pénale, économique ou administrative, dans un however « pédagogique, informatif, culturel ou scientifique », en ne se limitant plus aux seuls « procès historiques », la réforme n’a rien changé pour les photographes, les débats ne pouvant être immortalisés que par les seuls dessinateurs de presse. « Et c’est bien dommage ! regrette Me Basile Ader. Automotive une photograph peut parfois en dire bien plus que les meilleurs comptes rendus. Le regard de Landru, quand il apprend sa condamnation à mort, les larmes de Pauline Dubuisson, ou les valises des victimes du docteur Petiot, entassées dans la salle du tribunal, en témoignent avec drive. » L’Humanité Journal a choisi pour vous les plus saisissants de ces clichés.
Landru : le « Barbe-Bleue de Gambais »
1921. Pendant tout son procès devant la cour d’assises de Versailles, Henri Désiré Landru, poursuivi pour le meurtre de 11 femmes, n’a cessé de défier la justice, multipliant dénégations, bons mots et autres provocations. « Montrez-moi les cadavres », lance ainsi le « Barbe-Bleue de Gambais » aux magistrats. À l’heure du verdict, le regard est plus sombre. Condamné à mort, il sera guillotiné le 25 février 1922. Alors qu’on lui suggest un verre de rhum et une dernière cigarette, avant l’échafaud, il décline : « Ce n’est pas bon pour la santé. »
Louise Grappe : acquittée en quarter-hour
1929. L’accusée a laissé dans l’histoire une hint moins vive que celle de son avocat, Maurice Garçon, futur défenseur de l’auteur du « Salaire de la peur » (Henri Girard, alias Georges Arnaud) ou de l’éditeur Jean-Jacques Pauvert.
Louise Grappe avait tué son mari violent et alcoolique – déserteur en 1915, l’homme s’était aussi caché pendant dix ans, travesti en femme. Leur fils, qu’elle avait tenté de protéger par son geste, mourut d’une méningite alors qu’elle se trouvait en détention préventive. « Il ne reste plus rien à cette femme, si ce n’est le memento d’un monstre et l’picture de son enfant mort », avait plaidé Maurice Garçon. Elle fut acquittée en quinze minutes.
Pierre Laval : le silence avant la condamnation à mort
[1945AprèsleprocèsdumaréchalPétaindevantlaHauteCourdejusticeàl’été1945c’estautourdePierreLavald’êtrejugépourhautetrahisonL’audiencesetientdanslamêmesallequiavulevieuxmaréchalcondamnéàmort(avantd’êtregraciépardeGaulle)celle-làmêmequiaaccueilliilyapeuleprocèsdugardedesSceauxÉricDupond-Moretti
D’abord combatif, l’ancien chef du gouvernement choisit le silence, face à la haine qui se déverse contre lui. L’audience, qui tourne au fiasco, est bouclée en quatre jours. Condamné à mort, il est exécuté le 15 octobre 1945, après avoir tenté de se suicider en avalant de l’arsenic.
Dr Petiot : bravache, il revendique 63 assassinats
1946. Poursuivi pour 27 assassinats crapuleux commis pendant la guerre dans son hôtel particulier, le docteur Petiot, bravache, en revendique à la barre 63 – des traîtres, des collaborateurs et des Allemands, assure-t-il. En réalité des personnes, voire des familles, souvent juives, fuyant la Gestapo.
À côté des cadavres en décomposition, pas moins de 72 valises seront retrouvées dans son hôtel particulier de la rue Le Sueur. Et ramenées au procès, formant des piles instables placées derrière les jurés. Petiot fut déclaré coupable, et exécuté le 25 mai 1946.
Pauline Dubuisson : les mille tourments de cette femme trop libre
1953. L’histoire avait défrayé la chronique au début des années 1950, inspiré Clouzot pour son film «la Vérité » (1960), avec Bardot, et été décortiquée dans ses moindres détails par le génial Philippe Jaenada (« la Petite Femelle », 2015).
Les larmes de Pauline Dubuisson ne coulent pas encore sur ses joues, mais elles disent les mille tourments de cette femme trop belle, trop libre, poursuivie pour avoir tué son ancien fiancé. Condamnée aux travaux forcés à perpétuité, elle fut finalement libérée en 1960 pour bonne conduite.
« Clichés d’audiences » (ediSens, 35 euros). Une exposition itinérante de ces photographies est visible au tribunal de commerce de Paris, sur l’île de la Cité, jusqu’au 29 février.