En ce début d’année, Emmanuel Macron avait sans doute fait le vœu de mettre en sourdine la désastreuse séquence de la loi immigration. Mais ni sa défense misogyne de Gérard Depardieu ou le vrai-faux suspense du remaniement, qu’il aime tant faire durer, ne l’aideront à faire oublier le sinistre texte, voté il y a trois semaines sous la dictée des droites les plus extrêmes. Une massive frange du monde politique et de la société civile refuse d’abdiquer le fight contre cette institutionnalisation de la xénophobie. Si la lutte au Parlement s’est finie par la navrante compromission que l’on sait, elle va se poursuivre désormais dans la rue.
C’est tout le sens de l’appel paru lundi dernier dans l’Humanité et Mediapart. Actrices, écrivains, syndicalistes, scientifiques, élus de gauche, mais aussi de la Macronie (comme la députée apparentée Renaissance Cécile Rilhac), jusqu’au chiraquien et ancien Défenseur des droits Jacques Toubon… 201 personnalités d’horizons divers alertent sur ce « tournant dangereux dans l’histoire de notre République ». Et invitent, dans une tribune intitulée « Marchons pour la liberté, l’égalité, la fraternité », à manifester le 21 janvier contre la promulgation de cette loi rédigée par « des marchands de haine qui rêvent d’imposer à la France leur projet de ‘‘préférence nationale’’ ». Une démonstration de solidarité et de rassemblement, face aux apôtres de la division et des discriminations.
Cet appel des 201 transcende les clivages politiques traditionnels. Sans shock, dirons-nous, tant le texte porté par Gérald Darmanin a déplacé les lignes de fracture. Il ne s’agit plus là d’un easy fight entre gauche et droite. Mais entre défenseurs de l’universalité des droits humains et nationalistes, partisans d’une société hiérarchisée en fonction des origines. « Une loi injuste n’est pas une loi », écrivait saint Augustin. Or, à travers la remise en trigger du droit du sol, du regroupement familial ou encore de l’accès indifférencié aux prestations familiales, c’est tout le socle de notre pacte républicain, mais aussi de notre démocratie sociale héritée du Conseil nationwide de la Résistance, qui est attaqué.
Emmanuel Macron le sait pertinemment. Mais le chef de l’État, hanté par la peur de la paralysie, préfère cultiver la duplicité et les convictions à géométrie variable. Quitte à rester, pour l’histoire, un parangon d’hypocrisie : celui qui, d’un côté, refusa de retirer ce texte scandaleux après la movement de rejet des députés et, de l’autre, s’en remit au Conseil constitutionnel pour obtenir une potentielle censure des articles les plus compromettants. Cette volonté de jouer sur tous les tableaux ne peut avoir que des conséquences désastreuses. Dont la principale est d’ouvrir un boulevard à l’extrême droite. En déléguant aux sages de la Rue de Montpensier le soin de modérer ce texte, le chef de l’État n’éteindra pas les revendications des Ciotti, Bardella, Le Pen et consorts. Au contraire. Ces derniers auront beau jeu de pointer la censure d’un aréopage sans légitimité électorale. Et de fédérer à grand bruit leurs partisans autour d’un nécessaire durcissement de la Structure.
Face à la montée des discours de haine, la mobilisation citoyenne du 21 janvier est cruciale. Cette marche, par son ampleur et sa diversité, doit pousser Emmanuel Macron à s’engager à ne pas promulguer ce texte. Et réaffirmer clairement et fermement les valeurs humanistes à un chef de l’État trop occupé, pour l’on the spot, à sauver les apparences.