L’enseignement est un cas distinctive, moteur de deux unions syndicales : la FSU (34 % dans l’éducation nationale) et l’Unsa (19,37 %). Cette singularité trouve ses racines lors de la scission de Pressure ouvrière avec la CGT, en 1948. Créée en 1928 au sein de la CGT, la Fédération générale de l’enseignement, devenue Fédération de l’éducation nationale (FEN) en 1945, opte pour une autonomie « en attendant la réunification de la CGT ».
Mais la state of affairs perdure. Au sein de la FEN, le courant « cégétiste », animé par la tendance Unité et Motion, proche du PCF, autorise une double cotisation avec la CGT jusqu’au milieu des années 1950. Ce qui a pour atout de maintenir l’unité syndicale dans la occupation.
A contrario, la tendance réformiste, Unité indépendance démocratie (UID) dirige la FEN. Côté CGT, les syndicats qui ont fait le choix de rester, comme ceux des centres d’apprentissage et des brokers de l’éducation nationale, se regrouperont dans la Frec, en 1979.
Les dirigeants d’Unité et Motion rompent leur lien organique avec le PCF dans les années 1980
Fin des années 1960, Unité et Motion prend la tête du Snes (second degré) et du Syndicat de l’éducation physique (Snep). « Les ex-cégétistes de la FEN poussent pour l’unité, tout en appliquant un syndicalisme éloigné des pratiques ouvrières. Dans la décennie suivante, les durs de la CGT voient d’un mauvais œil un rapprochement », notice le sociologue Laurent Frajerman. Les dirigeants d’Unité et Motion rompent leur lien organique avec le PCF dans les années 1980.
C’est alors qu’arrive 1992 : l’UID exclut alors le Snes et le Snep d’une FEN paralysée par les jeux de tendance. « À l’époque, l’enjeu de rejoindre la CGT ne s’est quasiment pas posé. Sans la création de la FSU, des militants seraient partis vers l’Unsa ou auraient renforcé ce qui deviendra Solidaires », rappelle Benoît Teste, secrétaire général de la FSU.
L’année suivante, la Fédération syndicale unitaire (FSU) se lance alors autour d’Unité et Motion, avec une tendance minoritaire de la FEN d’inspiration trotskiste, école émancipée. Aujourd’hui majoritaire (environ 70 %) « Unité et Motion pratique un syndicalisme pragmatique et combatif. L’engagement partidaire s’est raréfié, les références politiques se situant dans un espace entre l’extrême gauche et une gauche réformiste qui refuse le social-libéralisme », selon Laurent Frajerman. De son côté, l’UID impulsera la création de l’Unsa, désormais implantée dans le privé. La CGT cherchera à se déployer dans l’enseignement dès le milieu des années 1980.
En 2010, la FSU s’ouvre à l’ensemble de la fonction publique, alors qu’un projet de rapprochement avec la CGT est sur les rails, sans succès. « Sans doute que le fruit n’était pas mûr », conclut Benoît Teste, qui espère aujourd’hui aboutir.