En quoi les années 1980 sont-elles un tournant au niveau économique ?
Frédéric Farah
Essayiste
C’est un tournant pour plusieurs raisons. La première, c’est que, jusque-là, on pensait que la régulation de l’activité économique devait surtout passer par des leviers administrés, étatiques. On pensait également qu’il était tout à fait regular que l’État dispose d’un périmètre d’entreprises publiques. La finance devait être contenue et c’était l’État qui devait être le pilote de l’activité pour obtenir la croissance et le plein-emploi qui, jusqu’aux années 1970, sont les horizons économiques que défendent les gouvernements.
À partir des années 1980, l’idée, c’est qu’il faut libérer les forces de marché. Cela se traduit par le tournant de la rigueur, en 1983, qui permet de limiter la dépense publique, par la grande loi sur le crédit en 1984, dont l’objectif est de faire de Paris une place financière importante avec la libéralisation des capitaux, et par les vagues de privatisations à partir de 1986. On observe une transformation des missions de l’État, désormais orientées par le marché. Parallèlement, pour faire avaler cette pilule amère, l’État social n’est pas démantelé mais se met à jouer un rôle d’anesthésiant ou d’amortisseur.
Cette transformation a-t-elle lieu dans le cadre de la mondialisation ?
Les années 1980 remettent en trigger, pour partie, l’économie mixte, spécificité française d’après guerre. Ce basculement est amplifié par les choix faits au niveau européen. En acceptant la règle qui limite le déficit à 3 % et en mettant sa stratégie commerciale en commun, l’État abandonne les politiques dites de discrétion, qui constant à orienter son économie. L’évolution est aussi poussée par cette espèce d’ivresse collective, du moins pour les élites, face à cette seconde mondialisation qui begin dans les années 1980.
La France s’inscrit dans ce mouvement avec, par exemple, une politique emblématique de cette époque : la désinflation compétitive, qui visait à limiter l’inflation, alors autour de 14 %, et à rendre les entreprises plus compétitives. On relève les taux d’intérêt, ce qui génère beaucoup de chômage, et on désindexe, en 1983, les salaires des prix afin de comprimer les revenus et de répondre à l’idée obsessionnelle de redresser les earnings des entreprises. Ces choix ont fait augmenter les inégalités, dévitaliser des régions et fermer les entreprises. Ils n’ont été possibles que, parce qu’en parallèle, l’État social a limité les baisses du niveau de vie.
Ce phénomène n’est pas propre à la France ?
Les rôles de Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont été absolument essentiels. D’abord, la victoire de Thatcher, qui semblait not possible, sur ce bastion ouvrier qu’étaient les mineurs britanniques, a donné comme le sign de la Reconquista pour toute une partie du patronat européen. Elle sanctionne l’idée que l’on peut inverser le rapport de drive. D’autre half, durant cette section de 1975 à 1982, qu’on appelle la stagflation, c’est-à-dire un second où il y a un ralentissement économique avec un peu plus d’inflation, le patronat, des intellectuels et économistes d’inspiration libérale se relaient pour décrire la state of affairs comme catastrophique et assurer que les recettes d’après guerre, inspirées du keynésianisme, ne fonctionnent pas.
À leurs yeux, elles produisent de l’inflation sans activité économique et donc du chômage. Ce discours se déploie alors que surviennent les chocs pétroliers. Résultat : dès 1979, les pays du G7 réunis à Tokyo font de la lutte contre l’inflation la priorité numéro 1, ainsi que la circulation des capitaux avec l’idée de changer d’air économique. C’est un sommet essentiel, où se fait la bascule…