Lille (Nord), correspondance particulière.
De l’aveu même de la route d’ArcelorMittal France dans son communiqué interne du 18 décembre, la grève commencée le 4 décembre à l’aciérie de Dunkerque (Nord) a déjà causé une « perte de manufacturing de 115 000 tonnes de colis (des bobines d’acier brut – NDLR) » et entraîné des « impacts majeurs » sur d’autres websites, avec des arrêts de lignes alors en cours ou imminents à Desvres (Pas-de-Calais), à Mardyck, à quelques kilomètres de Dunkerque, et à Montataire (Oise). « Ces arrêts vont impacter, dès début 2024, le service purchasers et ainsi mettre à mal notre réputation », s’inquiète ArcelorMittal France. La CGT comprend d’autant moins l’intransigeance face à ses revendications.
Des réquisitions en pleine nuit, « pour faire peur »
Tout a commencé le jour de la première réunion de négociation annuelle obligatoire (NAO) sur les salaires chez ArcelorMittal France, qui regroupe sept des neuf usines françaises du groupe, dans le Nord, le Pas-de-Calais, l’Oise, la Moselle, les Ardennes et la Loire-Atlantique.
« Quand les premières propositions de la route ont circulé, (le 4 décembre) à midi, le mouvement s’est lancé spontanément », raconte Gaëtan Lecocq, secrétaire du syndicat CGT de l’usine de Dunkerque. « La route, ajoute-t-il, n’a rien trouvé de mieux, pour faire peur, que de réquisitionner cinq salariés, une première. Cela a eu l’effet inverse, en mettant de l’huile sur le feu. Des non-adhérents de la CGT se sont mis en grève et certains qui n’avaient pas arrêté le travail pour les salaires l’ont fait pour le respect du droit de grève. »
Les cinq réquisitionnés, en grève depuis leur prise de poste à 21 heures, ont reçu la visite de la police chez eux vers 1 heure du matin pour les obliger à reprendre le travail. Dans son arrêté du 4 décembre, le préfet du Nord, qui rappelle le classement de l’usine « en web site Seveso seuil haut », intime aux cinq ouvriers, habituellement chargés de convoyer des bobines d’acier, « d’assurer les missions indispensables à l’intégrité des installations et à la sécurité des personnes à l’intérieur et à l’extérieur du web site industriel ».
« Ils n’ont rien eu à faire », certifie Gaëtan Lecocq et ont simplement attendu la fin de leur journée à leur poste. Les impératifs de sécurité semblent d’ailleurs avoir disparu, la préfecture n’ayant pas poursuivi ses réquisitions. Là où la route évoque « quelques grévistes à Dunkerque », la CGT les évalue à 100 à 150 selon les jours, avec une pointe à 200 le week-end dernier.
Pour la route d’ArcelorMittal, une « négociation désormais terminée »
Le 15 décembre, ArcelorMittal France a signé un accord avec la CFDT et la CFE-CGC portant sur une augmentation générale de 3,7 %, avec un plancher de 100 euros brut. Ce qui ne couvre « même pas l’inflation réelle », remarque la CGT métallurgie, et se situe sous les 4,4 %, et sous le plancher des 110 euros brut arrachés l’an dernier. Le syndicat revendique « 300 euros brut pour tous », qu’il met en parallèle avec les « 800 tens of millions versés aux actionnaires depuis le début de l’année » et les « plus de 6 milliards de bénéfices sur les neuf premiers mois (de 2023) » réalisés par la multinationale.
Si la route écrit que « la négociation (est) désormais terminée », la CGT – qui pèse à l’usine de Dunkerque 80 % des voix chez les ouvriers et près de 50 % chez les techniciens – persiste, réclamant aussi « un salaire minimal à l’embauche de 2 000 euros brut ». Ou encore « de porter la majoration pour les salariés postés (qui subissent une rotation des horaires – NDLR) à au moins 30 % du salaire de base, alors qu’on est tombé à 16 % », précise Philippe Verbeke, coordinateur nationwide pour la sidérurgie à la CGT et salarié d’ArcelorMittal France à l’usine de Mardyck.
Autre exigence : que les indemnités kilométriques pour les trajets domicile-travail des ouvriers rattrapent celles des cadres, trois fois plus élevées. Enfin, les circumstances de travail sont dénoncées, avec « un sous-effectif everlasting, des installations vieillissantes et des bâtiments délabrés ».
Face au blocage, Philippe Verbeke a écrit aux ministres de l’Économie et de l’Industrie, sollicitant « l’intervention de l’État pour une médiation ». Pour tenir la mobilisation sur la longueur, « on regarde remark organiser la solidarité financière », confie-t-il. Mais, quelle que soit l’challenge, Gaëtan Lecocq juge que « le lien s’est rompu avec la route. (…) Beaucoup préparent déjà leur CV pour démissionner », assure-t-il.
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