Marianne peut se cacher le visage. Les parlementaires macronistes ont trouvé un accord sur la loi immigration avec la droite extrême et l’extrême droite, mardi 19 décembre à l’Assemblée nationale. Et ils l’ont fait en s’alignant complètement sur les revendications du Rassemblement nationwide (RN).
Le résultat de la fee mixte paritaire (CMP) coche toutes les instances d’une France qui trahit ses valeurs et fait de l’étranger un paria. Préférence nationale pour les allocations familiales, restrictions contre le droit du sol, déchéance de nationalité pour les binationaux, facilitation des expulsions… La liste donne le tournis.
En quelques heures, le temps politique a semblé s’accélérer : la Macronie s’est décomposée, la gauche a vu le sol se dérober sous ses pieds, et l’extrême droite a sabré le champagne. « On peut se réjouir d’une grande victoire idéologique du RN et de l’avantage donné aux Français par rapport aux étrangers. Nous allons donc voter ce texte », a annoncé Marine Le Pen sitôt l’accord conclu.
« Celui qui se voulait le rempart est devenu l’ascenseur de Marine Le Pen »
Le Parlement n’avait cependant pas encore définitivement validé cette réforme, mardi. Un vote de tous les sénateurs, puis de tous les députés, devait encore avoir lieu, avec un faible espoir de voir ce texte rejeté. Il fallait une défection huge d’élus macronistes se rebiffant, en se rappelant que par deux fois Emmanuel Macron a été élu pour faire barrage au RN, et non pas pour voir ses idées triompher.
« À titre personnel, je ne voterai pas ce texte. L’accord ressemble plus à une compromission et pas un compromis », s’est ainsi indigné le député Modem Erwan Balanant. « Nous sommes tombés dans un piège qui est en prepare de se refermer sur nous », mesurait également Gilles Le Gendre, ancien président du groupe LaREM à l’Assemblée.
Plusieurs ministres auraient également menacé de démissionner devant le contenu du texte, selon le Figaro, dont Aurélien Rousseau (ministre de la Santé), Patrice Vergriete (chargé du Logement) et Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur et Recherche). Mais le groupe Renaissance s’organisait pour mettre en place des sanctions contre les députés récalcitrants, après la CMP.
Remark la Macronie a-t-elle pu en arriver là ? Certes, elle a souvent tendu la perche au RN à l’Assemblée, lui offrant des postes clés. Certes, elle a avant tout négocié avec les élus LR. Mais ceux-là se sont convertis au discours de l’extrême droite.
« Tout a été dicté par les LR sous les applaudissements du RN. Le gouvernement a cédé sur toutes les lignes rouges, et la ligne bleu marine est dépassée. En 2017 et 2022, j’ai fait barrage à l’extrême droite. Mais j’ai l’impression que celui qui se voulait le rempart est devenu l’ascenseur de Marine Le Pen », fustige la députée PS Christine Pires Beaune.
« L’extrême droite a aspiré les LR, on le savait, mais elle a aussi absorbé le groupe Renaissance. Nous sommes en pleine décomposition politique, avec une victoire de l’extrême centre nationaliste », s’alarme son collègue Arthur Delaporte. « Les macronistes n’ont plus aucun principe, plus aucune conviction. Ils sont en prepare de donner une victoire idéologique à l’extrême droite comme jamais. Leur texte ressemble à un tract du Entrance nationwide des années 1980. Ils excluent des prestations sociales des personnes qui ont pour seul tort d’être des étrangers en state of affairs régulière. C’est une folie ! », dénonce le sénateur PCF Ian Brossat. « La dérive est complète, comme en Italie », où les fascistes sont au pouvoir, tance Fabien Roussel, secrétaire nationwide du PCF.
« L’histoire d’un pays qui, en ce 19 décembre, aurait renoncé à ses valeurs humanistes pour remporter un vote »
« Le monde voit naître une France défigurée par les plus humiliantes discriminations contre l’immigré, celles concernant les besoins essentiels d’un être humain : vivre en famille, se loger, se soigner, étudier en France. Le nouveau Macronisme a pris le prepare piloté par la droite extrême. Honte à celui qui s’est fait élire pour y faire barrage », a réagi Jean-Luc Mélenchon.
Le chef de file André Chassaigne est monté directement au créneau dans l’Hémicycle, lors des questions au gouvernement. « Vous êtes sur le level de commettre l’irréparable. Vous instrumentalisez la CMP pour contourner le Parlement et conclure, coûte que coûte, avec la droite LR alignée sur les positions du RN, démarre-t-il. L’élection du président Macron devait nous prémunir des pires avanies du programme de l’extrême droite… Aujourd’hui, de bouclier, vous en devenez le marchepied », accuse-t-il enfin, avant d’appeler les élus de la majorité à ne pas « succomber aux fantasmes véhiculés par l’extrême droite, qui se délecte de remporter une victoire idéologique majeure. Je vous le dis solennellement, vous allez écrire ce soir une web page de notre histoire. L’histoire d’un pays qui, en ce 19 décembre, aurait renoncé à ses valeurs humanistes pour remporter un vote. » « L’extrême droite, c’est le rejet des étrangers par principe », lui a répondu la première ministre Élisabeth Borne. Mais alors qu’est-ce que retirer des droits aux étrangers uniquement parce qu’ils le sont ?
Du reste, plusieurs macronistes portent désormais le discours du RN comme si de rien n’était. « Le pays en réalité est en prepare de sortir du consensus immigrationniste. Nos compatriotes veulent beaucoup moins d’immigration, et surtout une immigration plus conforme à la réalité de la tradition française, qui respecte les us et coutumes, qui travaille, et qui maîtrise le français », a ainsi lancé le député Renaissance Charles Sitzenstuhl.
Le gouvernement a en outre accepté le principe d’un débat annuel sur l’immigration au Parlement, à la demande de LR et du RN. Et contribue depuis des mois à ce que le sujet ne soit abordé que sous l’angle sécuritaire, assimilant étrangers, délinquants et terroristes. Le député macroniste Paul Midy affirme même que la réforme du gouvernement permettra d’éviter des tueries… « Quel rapport avec le texte ? La réalité, c’est une capitulation complète de Macron sur des mesures contraires à la Structure et à la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Des éléments sont repris du programme du RN avec une imaginative and prescient xénophobe. C’est ce processus qui conduit à l’accession au pouvoir des nouveaux fascistes en Europe », répond le communiste Pierre Dharréville.
Le président de la République, plutôt que de prendre acte que la loi Darmanin n’avait pas de majorité à l’Assemblée, et d’accepter une défaite sur le sujet, a préféré dérouler le tapis rouge aux pires idées, dans le seul however de pouvoir annoncer que le gouvernement a enregistré un succès. Au remaining, c’est toute la République qui risquait de se voir infliger une horrible défaite, avec un vote prévu à 21 h 30 dans l’Hémicycle.