Grands oubliés de Paris 2024, les sans-abris, mineurs non accompagné, habitants de bidonvilles ou malades en state of affairs précaire ne sont manifestement pas conviés à la fête. Pire, tout semble à l’œuvre pour les exclure du paysage. C’est bien ce qui inquiètent les acteurs de la solidarités réunis sous la bannière du Revers de la médaille. Fondé cet automne, ce collectif inter-association qui compte 75 membres s’est fait connaître by way of des messages parodiant ceux des JO tels que « Plus vite, pour vider l’Ile de France des populations précarisées », « Plus haut, vers l’exploitation des travailleurs sans papiers » ou encore « Plus fort, dans la réponse sécuritaire contre les personnes à la rue ». Derrière ces slogans grinçants, une sombre réalité que détaille Lila Cherief, en cost des questions d’hébergement, de logement et de domiciliation dans la région île de France au Secours catholique : « La saturation actuelle des dispositifs d’hébergement d’urgence a induit de nouvelles directives de tri des demandes données au 115 (plate-forme téléphonique d’orientation des personnes sans-abris, elle aussi débordée et donc le plus souvent injoignable, NDLR) qui ne permettent plus de proposer une place qu’à des femmes enceintes de plus de 8 mois ou à des familles avec des bébés de moins de 3 mois. En Seine-Saint-Denis, le taux de réponse négative données à des personnes ayant réussi à joindre le 115 a augmenté de 40% en 2023 par rapport à l’année précédente. » En trigger notamment, la suppression de locations d’hébergement réservées dans des hôtels, ceux-ci ayant préféré se tourner vers une activité touristique, plus rentable, en vue des JO. De plus, on observe actuellement une multiplication des expulsions de bidonvilles à Paris et en Seine-Saint-Denis, qui vont encore s’intensifier avec l’arrivée des JO. « La préfecture de région s’est voulue rassurante à ce sujet en nous disant qu’il y aurait des propositions adaptées qui seraient faites à chaque personne évacuée, précise la responsable du Secours Catholique. Mais en réalité, il s’agit de déplacer temporairement les personnes dans des sas d’hébergement temporaire situés dans des villes de province (dispositif mis en place depuis avril 2023 pour alléger la pression sur le parc d’hébergement d’urgence francilien, NDLR), mais seulement pour une quinzaine de jours, avant de retourner à la rue, désorientées et sans attache. »
Déplacer des personnes en grande précarité n’est pas sans conséquence, notamment sur le plan sanitaire. Comme le souligne Bénédicte Maraval, assistante sociale référente au Comité pour la santé des exilés (Comede), « il existe des risques de ruptures de soin quand les personnes arrivent dans des endroits où elles ne sont pas connues des dispositifs de santé et où on ne connait pas leur file, surtout s’il n’y a pas d’interprète et qu’elles ne parlent pas français. » Même sans changer de ville, le plan “sécurité”, limitant les déplacements dans certaines zones de la capitale pendant les JO, allié à la saturation des transports en commun, risquent de rendre les trajets compliqués pour se rendre, par exemple, à l’hôpital pour des soins parfois vitaux. « Les personnes greffées des reins doivent absolument se rendre en dialyse, d’autres, victimes de choc post-traumatique ne peuvent interrompre un suivi psychiatrique », illustre la salariée du Comede.
Se nourrir risque aussi de relever du parcours du combattant pour celles et ceux qui sollicitent les dispositifs d’aide alimentaire. « A Paris, où 800 000 repas sont distribués mensuellement, nous avons pu constater avec l’arrêté préfectoral d’interdiction de certaines distributions mis en place à Paris en octobre 2023, que la moindre modification de lieu de distribution avait un effet très néfaste sur les populations qui y ont recours », pointe Pauline Duhaut, de l’affiliation la Chorba.
Toutes les associations dénoncent un risque « de violation des droits fondamentaux comme la santé, l’alimentation, le logement et même le fait de se déplacer ». « L’accentuation de la pression policière en vue des JO aggrave encore les difficultés des personnes en grande précarité à faire valoir leurs droits », pointe Carole Painblanc, avocate au barreau de Paris et qui exhorte les autorités à déployer en faveur des personnes précarisées « des moyens à la hauteur des valeurs olympiques ».
« L’espace public un bien commun very important pour ceux que nous, soignants, interprètes, travailleurs sociaux et militants associatifs accompagnons au quotidien. Durant les JO, il sera saturé, donc excluant. On souhaite éviter le pire en alertant sur la nécessité de continuité d’accès aux soins, à la nourriture et à l’hébergement », résume Paul Alauzy, coordinateur de la veille sanitaire à Médecins du Monde.
Concrètement, pour limiter l’influence des JO sur les plus pauvres, les associations suggèrent notamment à l’Etat de remplir dès à présent sa compétence légale en proposant un hébergement inconditionnel aux personnes qui en ont besoin. Selon elles, la création de 10 000 locations d’hébergement sur le territoire nationwide serait un minimal. Concernant l’accès à la santé durant les JO, il est demandé que tous les lieux de soins actuels restent ouverts, y compris dans les zones catégorisées comme rouge par la préfecture durant les Jeux et de garantir l’effectivité de l’accès aux soins pour les personnes malades en grande précarité. « Des facilités administratives telles que celles mises en place durant les confinements liés au Covid pourraient être remises au goût du jour, notamment la prolongation automatique pour 6 mois de la couverture maladie universelle et la possibilité d’envoyer par courrier un première demande d’Aide médicale d’Etat pour les personnes étrangères », suggest Bénédicte Maraval qui insiste aussi sur la nécessite de multiplier, durant les JO, les factors de distribution de matériel de réduction des risques liés aux addictions et à la sexualité.
Les associations d’aide alimentaire demandent des dispositifs pérennes et réguliers et la mise à disposition de lieux vides comme des gymnases, des cantines d’écoles ou d’entreprise durant le temps des JO. « Pour les personnes qui n’auront pas la possibilité de se déplacer en raison de la saturation des transports ou des interdictions de circuler, Il faudrait qu’il puisse y avoir un transfert monétaire de l’aide alimentaire by way of, par exemple, des chèques service utilisables pour acheter à manger », avance Pauline Duhaut.
Enfin, tous ces acteurs de la solidarité demandent la facilitation de leur logistique durant les JO, à travers notamment des laisser-passer pour leurs véhicules d’approvisionnement et pour leur bénévoles… Et proposent la pérennisation au delà des JO, de toutes les bonnes pratiques qui auront été inaugurées durant Paris 2024. « Le Gouvernement et les organisateurs de Paris 2024 communiquent en affirmant que ces JO seront un ce levier pour transformer la société française et pour faire les Jeux les plus inclusifs de l’histoire. On a envie de dire, “chiche” et de les aider à relever le pari », résume Paul Alauzy. Mais les problématiques soulevées par le Revers de la médaille restent un angle mort, de l’aveu même des représentants du Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO) que les associations ont rencontrés. « Ils ont écouté nos alertes, reconnaissant volontiers qu’ils n’avaient pas envisagé les problèmes que nous soulevons, mais étaient prêts à réfléchir avec nous à “une mesure phare” concernant le public que nous accompagnons », signale Antoine de Clerck, coordinateur du collectif.
Reste que s’il existe bien un chapitre intitulé “Le sport pour l’inclusion, l’égalité et la solidarité”, dans le rapport intermédiaire d’évaluation de la Stratégie « Héritage et Durabilité » de Paris 2024, publié début décembre, aucune allusion aux personnes sans domicile n’y determine. Il reste encore quelques mois pour agir, mais il y a urgence à convaincre l’Etat de changer de politique vis-à-vis des plus pauvres, automotive, prévient Lila Cherief, « si les tensions persistent en matière d’hébergement d’urgence, une disaster humanitaire pourrait advenir dès cet hiver ».
