C’est un signe qui ne trompe pas. En apprenant le verdict annoncé ce 5 décembre, l’avocate de TotalEnergies, Ophélia Claude, s’est exclamée : « C’est un peu le début d’une nouvelle ère ! » (Novethic, 6 décembre). Et dans la bouche de cette ardente défenseure des multinationales, il n’y avait pas matière à se réjouir…
Les syndicats et les ONG viennent de remporter une victoire importante dans leur fight contre les multinationales. Le tribunal judiciaire de Paris a condamné La Poste pour non-respect du devoir de vigilance, une décision saluée par SUD PTT, qui avait assigné le groupe en justice : « C’est la première fois qu’une entreprise française se fait reprendre par la justice en matière de devoir de vigilance, avec la circonstance aggravante qu’il s’agit d’un employeur public. »
Le travail dissimulé, un « problème récurrent » à La Poste
Pour comprendre la portée de la décision, il faut rembobiner le fil. En janvier 2022, le syndicat saisit le tribunal judiciaire de Paris, automobile il estime que le groupe ne se conforme pas à ses obligations liées au devoir de vigilance. Pour mémoire, il s’agit de tendencies contenues dans la loi du 27 mars 2017, fruit de la bagarre des syndicats et des ONG pour renforcer les obligations des multinationales en matière de prévention des atteintes aux droits humains, à l’environnement et à la santé. La loi impose une série de mesures aux grands groupes, parmi lesquelles la cartographie des différents risques, l’évaluation régulière de la state of affairs de leurs sous-traitants et fournisseurs, des actions de prévention, and many others.
Cette loi, qu’on présente généralement comme une réponse politique à l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh, qui avait tué plus de 1 100 travailleurs en avril 2013, n’est pas exempte de défauts. Mais elle a le mérite d’inciter les firmes à dépasser le stade des déclarations d’intention, dont les responsables RSE (responsabilité sociétale des entreprises) sont si friands.
Dans son assignation, dévoilée à l’époque par l’Humanité, SUD PTT pointait un sure nombre d’insuffisances comme l’absence d’une véritable cartographie des risques et la non-publication d’une liste complète des sous-traitants, alors même que le comportement de ces derniers est souvent dénoncé.
« Le recours au travail dissimulé » représente un « problème récurrent » dans le groupe, selon le syndicat, qui citait par exemple la tragique affaire Seydou Bagaga, du nom d’un chauffeur-livreur non déclaré travaillant pour un sous-traitant et qui s’était noyé dans la Seine en tentant de récupérer un colis, en janvier 2013.
Dans son jugement du 5 décembre, le tribunal donne raison aux syndicats sur plusieurs factors. La course va devoir compléter son plan de vigilance par une cartographie des risques destinée à leur identification ; établir des procédures d’évaluation des sous-traitants en fonction des risques précis identifiés par cette cartographie ; et mettre en place un mécanisme de recueil des signalements digne de ce nom, après avoir procédé à une concertation des syndicats.
« Ce jugement est très essential, guarantee Céline Gagey, avocate de SUD PTT. Il vient rappeler que la loi sur le devoir de vigilance implique de prendre des mesures précises, en adéquation avec les risques identifiés, plutôt que de se limiter à des généralités. Jusqu’à présent, le plan de vigilance de La Poste se résumait quasiment à un doc de communication ! »
Une jurisprudence pour les affaires en cours
La victoire n’est pas totale pour autant, dans la mesure où certaines demandes du syndicat sont restées lettre morte, comme la publication d’une liste des sous-traitants du groupe. « Pourtant, nous demandions simplement que, en cas de problème, les élus du personnel puissent avoir accès à ces informations en CSSCT (Fee santé, sécurité et circumstances de travail), précise Nicolas Galépides, de SUD PTT. Il n’y avait rien de systématique, ni de public. Notre demande ne visait pas à embêter les instructions, mais à obtenir des informations en cas d’accident ou de drame, comme dans l’affaire Seydou Bagaga. »
Néanmoins, les ONG estiment que cette décision va alimenter les batailles qu’elles mènent dans les prétoires. Depuis 2019, une douzaine d’actions en justice ont été lancées pour non-respect du devoir de vigilance, ciblant en particulier le méga-projet pétrolier de Complete en Ouganda, la state of affairs de travailleurs dans des filiales de Teleperformance ou encore la politique d’accès à l’eau potable de Suez au Chili.
Mais, très souvent, ces affaires s’enlisent dans les sables des procédures. « Les grands groupes jouent de tous les moyens juridiques pour faire en sorte que les procès n’aient pas lieu, rappelle Juliette Renaud, responsable de campagne sur la régulation des multinationales aux Amis de la Terre. À présent que la justice s’est enfin prononcée sur le fond, nous espérons que cela débloque des choses. »
En réaffirmant l’esprit de la loi de 2017, le tribunal de Paris vient appuyer certaines revendications. « Concrètement, La Poste va devoir refaire quasiment tout son plan de vigilance, explique Juliette Renaud. En particulier, la décision du tribunal reconnaît la cartographie des risques comme une pierre angulaire du plan de vigilance : cela va nous servir dans d’autres actions en justice, contre Complete ou la BNP notamment, automobile nous reprochons justement à ces groupes leur manque de clarté sur ce level. »