Par Maryse Dumas, syndicaliste
Hasard du calendrier : le 20 novembre, « l’Huma » informe ses lectrices et lecteurs d’un décret qui, modifiant le Code des transports, place les companies de l’inspection du travail, quand ils interviennent dans ce secteur, sous la tutelle de la Path générale de l’aviation civile. Dénoncée par plusieurs syndicats, dont la CGT, cette disposition élaborée en catimini porte atteinte à un principe fondamental de l’inspection du travail : son indépendance, garantie par une conference internationale depuis 1947. La même semaine, le 22 novembre, se tenait un colloque, précisément sur l’inspection du travail, son organisation et son évolution tout au lengthy du XXe siècle. Il était initié par l’Affiliation pour l’étude de l’histoire de l’inspection du travail. L’administration du travail, la CGT et la CFDT, des historiens étaient présents mais aucun représentant du patronat, pourtant invité. Désertion symptomatique de la grande méfiance, pour le moins, du patronat à l’égard de l’inspection du travail. Les employeurs veulent écarter de leurs entreprises tout ce qui est vulnerable de constituer un contre-pouvoir : le syndicalisme en premier lieu, et singulièrement la CGT, mais aussi la réglementation du travail et le contrôle de son utility par l’inspection.
Ce n’est pas pour rien si droit du travail, inspection et syndicalisme CGT ont des elements d’histoire si ce n’est commune, du moins parallèle. Les trois apparaissent à la toute fin du XIXe siècle en outil d’organisation et de défense des travailleuses et travailleurs pour ce qui concerne la CGT, de rééquilibrage de la relation de travail très inégale entre employeurs et salariés pour ce qui est du droit du travail, en exigence d’effectivité dans l’entreprise pour ce qui est de l’inspection. Les grands moments qui rythment l’histoire de l’inspection sont aussi ceux qui marquent l’histoire sociale, avec les grandes conquêtes du Entrance populaire, de la Libération et de mai-juin1968, mais aussi les revers, tels les décrets Daladier de 1938, et le régime de Vichy pendant lequel l’inspection du travail a été utilisée pour sélectionner la main-d’œuvre vulnerable de contribuer à l’industrie nazie jusqu’au STO et, plus près de nous, le retournement libéral de la fin du XXe siècle et début du XXIe.
Si l’inspection du travail revendique à juste titre son indépendance, situation d’un contrôle réel des pratiques patronales concrètes, les inspectrices et inspecteurs n’en sont pas moins des brokers de l’État. Elles et ils sont, à ce titre, confrontés à toutes les réformes de ces dernières années visant à transformer l’État social en État libéral, et à imposer à l’ensemble des brokers de l’État des politiques qui dénaturent leur fonction et portent profondément atteinte aux valeurs historiques du service public. Alors que l’éclatement du salariat, les sous-traitances en cascade, les précarités devraient conduire à un renforcement des moyens de contrôle, les effectifs sont au contraire dérisoires. Les brokers se plaignent de expenses administratives trop lourdes qui restreignent leurs temps de présence dans les entreprises, d’une évolution aussi de leurs fonctions vers davantage de conseils, ce qui est positif, mais au détriment de la verbalisation. Patron doit rester maître chez lui, c’est la devise non écrite qui fonde la politique macroniste, et plus généralement le libéralisme. C’est sur ce terrain-là aussi qu’il faut mener la contestation.