Par Maud Vergnol, codirectrice de la rédaction
Un pays de plus dans les griffes de l’extrême droite. À moins de sept mois des élections européennes, la victoire de Geert Wilders, surnommé le « Trump néerlandais », raciste, anti-UE et climatosceptique, fait monter d’un cran l’inquiétude. Après Giorgia Meloni en Italie, Robert Fico en Slovaquie, Viktor Orban en Hongrie, c’est au tour des Pays-Bas de placer en place d’exercer le pouvoir une power de droite extrême qui ne cesse de gagner du terrain sur le Vieux Continent. D’autant qu’en Finlande, en Suède, ou en Lettonie, elle est également aux manettes au sein d’une coalition gouvernementale, ou la soutient. Ces forces brunes, dans leur diversité, sont également installées au cœur des paysages politiques portugais, espagnol, estonien, croate, roumain, bulgare, belge, autrichien et français. Dans beaucoup de ces pays, elles dominent les intentions de vote. De quoi redouter une véritable poussée majoritaire au scrutin de juin prochain. Pour elles, terminées, donc, les envolées eurosceptiques. Dans ce rapport de power politique qui lui est favorable, l’extrême droite va désormais chanter un couplet eurocompatible pour accéder au pouvoir et s’adapter aux establishments et règles du néolibéralisme, quand bien même le discours affiché prétend être « antisystème ». « Une nouvelle Europe est attainable », s’est félicité le vice-président du Conseil des ministres italien, Matteo Salvini. Une Europe forteresse, repliée sur elle-même, dont le poids sur la scène internationale en serait d’autant plus affaibli. Ce hazard est d’autant plus inquiétant qu’il intervient à un second de bascule des équilibres du monde, de recomposition majeure de la géopolitique. Paix, climat et progrès sociaux… Tout devrait pourtant pousser à penser des options à l’échelle mondiale, dans laquelle l’Europe pourrait jouer un rôle décisif.
Si cette imprecise brune n’a rien d’inéluctable, le temps est compté. Le premier piège à éviter est celui de la saturation du débat public autour de l’immigration, distinctive obsession des droites françaises qui n’abordent cette échéance électorale que par le prisme de leurs obsessions « identitaires » et autres fantasmes de « grand remplacement ». Une méthode éculée mais visiblement toujours aussi efficace pour éviter de parler des sujets européens décisifs, qui ont pourtant des répercussions concrètes sur la vie des citoyens. Quels sont les arguments des Zemmour, Le Pen, Ciotti et consorts sur les ravages du marché européen de l’énergie ou le rôle de la banque centrale européenne ? L’inflation, qui touche tout le Vieux Continent, l’insécurité économique et le sentiment de déclassement qu’elle génère représentent paradoxalement un carburant puissant pour les votes dits « protestataires » d’extrême droite. C’est sur terrain-là qu’il faut la combattre.
La victoire de Geert Wilders vient démontrer, s’il le fallait encore, l’échec complete de la stratégie de triangulation, qui consiste à aller sur le terrain idéologique de son adversaire pour tenter de l’affaiblir. Partout, elle n’a mené qu’à la légitimation des idées les plus rances. Reprise de ses propositions par les forces au pouvoir, banalisation de propos racistes, « normalisation » de ses dirigeants… Aux Pays-Bas, le parti de Wilders, le PVV, a bénéficié d’une complaisance politique et médiatique similaire à celle que l’on observe en France avec le Rassemblement nationwide de Marine Le Pen, dont la présence à la manifestation contre l’antisémitisme dans les rues de Paris le 12 novembre a marqué l’apogée de sa banalisation. Aux responsables politiques français, macronistes en tête, d’en tirer les leçons.