Le procès qui s’ouvre ce mardi 28 novembre à Nanterre, devant la cour d’assises des Hauts-de-Seine, est déjà le troisième pour Monique Olivier, 75 ans, ex-épouse du tueur en série Michel Fourniret. Il sera le premier où l’ancienne garde-malade devra répondre seule de sa responsabilité dans le parcours criminel de ce couple, dont tous les mystères n’ont pas été percés.
Déjà condamnée à la perpétuité en 2008 pour complicité dans quatre meurtres et un viol commis par son ex-mari, puis à vingt ans de jail en 2018, là aussi pour complicité de meurtre, l’accusée comparaît dans le cadre de trois autres affaires : celles qui ont coûté la vie à Marie-Angèle Domèce (18 ans) et Joanna Parrish (20 ans), enlevées à Auxerre en 1988 et 1990, mais aussi celle pour laquelle le couple maléfique a si longtemps nié sa participation, la disparition de la petite Estelle Mouzin (9 ans), le 9 janvier 2003, à Guermantes (Seine-et-Marne).
Retrouver les corps, enfin ?
Qu’attendre d’un tel procès – le premier issu du tout récent « pôle des crimes sériels ou non élucidés » installé à Nanterre début 2022 –, pour lequel près de 400 journalistes ont été accrédités, et qui a nécessité la réfection de plusieurs salles du tribunal ?
Depuis la mort de Michel Fourniret en mai 2021, seule Monique Olivier peut apporter des réponses aux familles des victimes, qui, en plus d’avoir perdu un être cher, ont subi des décennies de dénégations, de mutisme ou de fake espoirs.
Retrouver les corps, enfin ? Sur les trois victimes, seul celui de Joanna Parrish a été récupéré, pas ceux de Marie-Angèle Domèce ni d’Estelle Mouzin, malgré onze campagnes de fouilles pour cette dernière. Pointer les « ratés » de l’enquête, qui a mis de côté tant d’indices, tant de pistes, qui tous convergeaient pourtant vers « l’ogre des Ardennes » ?
Où se noue le « pacte » entre Fourniret et Olivier
Une selected est sûre : comprendre sera difficile, tant l’affaire convoque des sommets d’horreur et d’inhumanité. C’est en 1987 que Monique Olivier rencontre Michel Fourniret, après avoir répondu à une petite annonce trouvée dans le Pèlerin, un hebdomadaire catholique. « Prisonnier aimerait correspondre avec personne de tout âge pour oublier solitude », écrit l’homme depuis sa cellule, où il attend d’être jugé pour plusieurs agressions sexuelles. Ça tombe bien : la solitude, c’est justement le mal qui ronge cette femme qui a quitté son premier mari, avec qui elle a eu deux fils, mais qui serait devenu jaloux et violent.
Michel Fourniret lui écrit 133 lettres, Monique Olivier 84, et c’est dans cette intense correspondance que se noue, selon plusieurs avocats des events civiles, le « pacte satanique » qui va les lier pendant plus de dix-sept ans. Lui se confie sur son obsession des jeunes vierges, qu’il décrit comme des « membranes sur pattes » qu’il veut « percer » ; elle lui demande de le débarrasser de son ex-mari quand il sera sorti de jail.
Ce projet criminel-là n’ira pas jusqu’au bout ; les enlèvements, viols et meurtres d’adolescentes, voire de petites filles, si. « J’étais tellement seule à l’époque, je me raccrochais à quelqu’un », avait tenté d’expliquer Monique Olivier lors du procès de 2008. Un « pacte » ? L’avocat de l’accusée, Me Richard Delgenes, en réfute l’idée. Sa cliente était « soumise », « manipulable », « sans aucune estime d’elle-même », elle avait le profil idéal de la « complice energetic ». « Si elle avait rencontré quelqu’un qui voulait faire le bien, elle aurait fait le bien. Mais elle a rencontré Michel Fourniret », résume Me Delgenes.
1987 : leur premier meurtre, celui d’Isabelle Laville
Ce n’est pas l’avis de plusieurs avocats des events civiles. « Sans elle, rien n’aurait été doable dans ce parcours meurtrier », estime Me Didier Seban, avocat d’Éric Mouzin. « Elle sait tout, elle participe à tout et quand elle ne participe pas, il lui raconte dans le détail », abonde Me Corinne Herrmann, avocate des deux sœurs de Marie-Angèle Domèce. Les nombreuses auditions d’consultants psychologues ou d’une psychiatre, prévues en fin d’viewers, ne seront pas de trop pour essayer de mieux cerner le profil de l’accusée.
Mais il y a les faits : en décembre 1987, c’est bien Monique Olivier qui piège Isabelle Laville, 17 ans, la fait monter dans la camionnette, aide à la droguer et va jusqu’à stimuler sexuellement son mari pour qu’il puisse la violer. L’adolescente sera étranglée par Fourniret. Son premier meurtre. Leur premier meurtre. Premier d’une longue série.
Qui comporte encore beaucoup de zones blanches. Entre 1990 et 2000, aucune disparition n’est à ce jour officiellement reliée au parcours criminel du couple. Pour l’ancien procureur de Charleville-Mézières, Francis Nachbar, qui vient de publier Ma rencontre avec le mal (éditions Mareuil, 2023), difficile d’imaginer que Michel Fourniret et Monique Olivier aient totalement stoppé leurs méfaits. « Quinze ou vingt victimes » n’ont pas encore été identifiées, estime l’ancien magistrat. « On ne juge pas d’autres affaires ! » tranche de son côté Me Delgenes, refusant que le procès de sa cliente devienne celui du couple tout entier. Il doit durer jusqu’au 15 décembre.