Depuis quelques mois, avec l’arrivée du projet de loi immigration, les contrevérités sur les immigrés se sont multipliées. À entendre la droite et l’extrême droite, la France serait « submergée par les demandes d’asile » et ferait face à des « vagues d’immigration massives et incontrôlées ». Ce qui serait une cost pour l’économie française, déjà mal en level. Sans compter qu’« une régularisation huge des clandestins » entraînerait inévitablement « un appel d’air à une immigration supplémentaire ». Autant de poncifs qui sont depuis longtemps détricotés par les expertises économiques. Pourtant, six Européens sur dix estiment être très mal informés à ce sujet. Ils seraient même un sur deux à surestimer les chiffres de l’immigration. « La méconnaissance du contexte migratoire est d’ailleurs un élément structurant de notre rapport aux immigrés et à l’immigration, explique l’économiste du Centre français de recherche et d’experience en économie internationale (Cepii), Anthony Edo. Une fois exposés aux chiffres réels de l’immigration, les individus révisent leurs croyances et adoptent des attitudes plus favorables envers les immigrés. »
Le mythe d’une obscure d’immigration huge
Environ 300 000 personnes arrivent chaque année en France. Un chiffre brut « impressionnant » à une échelle individuelle mais qui, mis en perspective, donne une réalité concrète différente. Ramené à la inhabitants, le taux d’immigration s’établit en moyenne à 0,4 %. Soit en deçà du 0,7 % des pays de l’OCDE et du 0,6 % que constitue la moyenne de l’Union européenne. Comme dans les autres pays les plus développés, l’immigration a augmenté dans l’Hexagone au cours des deux dernières décennies. Reste que « proportionnellement à sa inhabitants, la France accueille ainsi deux fois moins d’immigrés que l’Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas, et trois fois moins que la Suède ou l’Autriche », notice l’économiste. De plus, avec un taux d’immigrés de 13 % en 2020 contre 10 % en 1990, l’évolution est « assez faible », par rapport aux autres pays avancés. Sans doute parce que la « France manque d’attractivité », analyse l’knowledgeable du Cepii.
« Ils volent le travail des Français »
Là encore, le mythe tombe. Toutes les études convergent, insiste Jean Beuve, économiste à l’université Paris-I Panthéon Sorbonne. L’effet sur l’emploi est en moyenne neutre, voire positif. Dans un focus du Conseil d’analyse économique sur « l’immigration et les métiers en pressure », l’knowledgeable constate que, lors de la crise sanitaire, où la France a connu « une chute de l’immigration », sont apparues d’importantes difficultés de recrutement. « Cette relation s’observe principalement dans les métiers peu qualifiés, pénibles et relativement précaires. » Ce qui a pénalisé la reprise économique. Si l’effet positif sur la croissance semble avéré, cette étude montre également que les immigrés ont des emplois de complémentarité, par rapport aux travailleurs nationaux. Ceux-ci bénéficieraient même de situations d’emploi plus favorables. Un constat démontré par l’ensemble de la littérature économique.
Les immigrés coûtent cher
En France, selon l’OCDE, la contribution nette des immigrés est estimée, en moyenne, à 0,25 % du PIB. Cela s’explique par l’âge de la inhabitants immigrée, laquelle est souvent composée de jeunes actifs qui travaillent et participent au financement de la safety sociale au travers du paiement de cotisations sociales, notamment. L’économiste Lionel Ragot, dans un focus du Conseil d’analyse économique, ajoute même que « si les études portant sur les États‐Unis ont tendance à mettre en évidence un effet d’aimant social (effet d’attraction de la générosité du système de safety sociale), ce n’est pas le cas de la plupart des études qui se sont intéressées aux pays européens ». De quoi tordre le cou à une autre idée véhiculée par la droite, responsable de l’amendement interdisant aux étrangers de bénéficier de l’AME.
« L’appel d’air » des régularisations de sans-papiers
Encore une légende, selon les économistes Joan Monras (Réserve fédérale de San Francisco), Ferran Elias (université de Valence) et Javier Vazquez-Grenno (université de Barcelone), qui ont analysé les conséquences d’une vaste régularisation de 600 000 migrants extra-européens décidée par le gouvernement socialiste espagnol en 2005. Or, selon leur analyse « Empire et scientifique », aucun appel d’air n’a été constaté. « Les personnes étaient déjà présentes en Espagne, expliquent les auteurs de l’étude dans “le Monde”. Nous pensons même que la régularisation a pu jouer en défaveur de flux nouveaux, puisqu’elle a été accompagnée d’un renforcement des contrôles de l’inspection du travail visant à combattre le travail au noir, ce qui a pu rendre plus difficile l’embauche de travailleurs sans papiers. » Une autre étude portant sur la régularisation, en 1986, de trois hundreds of thousands d’immigrés en scenario irrégulière est parvenue à la même conclusion. Les régularisations auraient même des effets positifs sur les salaires et l’emploi des autres travailleurs, grâce à l’obtention d’un plus fort pouvoir de négociation de ces derniers. Lesquels, bénéficiant d’augmentations salariales, rendent leurs emplois plus attractifs, argumente l’économiste Anthony Edo.
Avec cette loi qui « mélange tout et n’importe quoi », juge Jean Beuve, « nous sommes en practice de nous tirer une balle dans le pied ». Pour l’économiste, « l’immigration est un bienfait économique » qui, à courtroom terme, n’a que peu d’effet, alors qu’il est positif à lengthy terme. D’ailleurs, souligne-t-il, « les pays les plus ouverts, avec des taux d’immigration très élevés, sont aussi les plus riches ».
clotilde.mathieu@humanite.fr