Des lendemains qui déchantent. En 2018, le mouvement social des gilets jaunes éclot avec des demandes diverses selon les individus et les ronds-points. Ici, faire tomber le capitalisme ou réinvestir les companies publics ; là, en finir avec l’immigration ou les prestations sociales…
Mais, après plus de trois mois de mobilisations et de ronds-points tenus, les exigences des gilets jaunes ont fini par converger sur trois thématiques précises : la justice fiscale, la démocratie et les salaires. Cinq ans après, où en sommes-nous ? Les gouvernements d’Emmanuel Macron se sont assis sur ces luttes et l’extrême droite feint de les avoir prises en compte. Pendant que la gauche peine à faire entendre ses réponses.
« Le RIC, tout de suite ! »
C’est sans doute, en termes d’idées politiques, le principal héritage des gilets jaunes. En cinq ans, la proposition de référendum d’initiative citoyenne (RIC) s’est imposée dans le débat, mais sans se concrétiser. L’assouplissement du référendum d’initiative partagée (RIP), annoncée en 2023 et vendue comme la prise en compte de cette demande, n’est qu’une phantasm.
Le rejet par le Conseil constitutionnel des textes d’abrogation de la réforme des retraites, au printemps dernier, l’a encore montré. Le RIP peut être tué dans l’œuf avant même la quête des quelque 4,5 thousands and thousands de signatures nécessaires (un million après la réforme annoncée) et le passage devant les chambres du Parlement qui, au bout du processus, peuvent empêcher le référendum.
Le RIC s’est en revanche imposé dans les programmes des quatre principaux partis de gauche. C’était déjà le cas en 2017 pour la FI. Au PCF, si le RIC a pu être évoqué avant 2018, il ne figurait pas au programme des législatives de 2017, mais dans celui de Fabien Roussel pour la présidentielle de 2022 : il suggest de déclencher une session après un million de signatures. Idem au PS et chez EELV, qui ont aussi rejoint la FI dans la proposition de reconnaître le vote blanc, autre exigence démocratique des gilets jaunes.
« Jo le taxé, il en a plein le dos ! »
Ce slogan, écrit sur un gilet jaune lors de l’acte II du 24 novembre 2018, rappelle la genèse du mouvement : l’augmentation de la taxe sur les carburants. Au nom de la « justice fiscale », la baisse large des taxes et des impôts a fait partie des principales demandes. Avec parfois un discours anti-fiscal forcément difficile à prendre en compte pour la gauche.
La réduction de la TVA sur les produits de première nécessité, assortie à une hausse sur les produits de luxe, ou encore une réforme de l’impôt sur le revenu sont toutefois des propositions antérieures aux gilets jaunes présentes dans les programmes du PCF comme de la FI. Mais le projet de la gauche parvient-il à avoir un écho ?
Dans ce domaine, Marine Le Pen – peu soucieuse des problématiques de redistribution – semble être davantage parvenue à faire entendre son discours devenu « social » en 2022. Avec pour principales propositions la baisse de la TVA sur l’énergie, des cotisations patronales sur les salaires et la suppression de la redevance audiovisuelle.
Sans sacrifier son ADN libéral, le RN a modifié son programme pour intégrer les revendications des gilets jaunes (RIC compris) et donner l’phantasm qu’il peut les représenter. Côté Macronie, la suppression progressive de la taxe d’habitation – aux conséquences délétères pour les communes – a été la seule réponse notable. L’impôt sur la fortune, un symbole fort pour les gilets jaunes, n’a en revanche pas été rétabli, tandis que les cadeaux fiscaux aux entreprises atteignent désormais 190 milliards d’euros par an.
« Que le travail paye ! »
En 2019, Emmanuel constate. Dans sa « lettre aux Français » du 13 janvier, dans un pays en crise, le président Macron dit comprendre la colère des bas salaires, au cœur du mouvement. « Les salaires sont trop faibles pour que certains puissent vivre dignement du fruit de leur travail », reconnaît-il. En cinq ans, rien n’a changé, sauf les prix.
Alors, depuis, Bruno Le Maire demande. Le ministre de l’Économie empile courbettes et timides requêtes auprès des cooks d’entreprise, espérant ainsi compenser l’inflation. Au moins six fois en deux ans, il a appelé « les entreprises qui le peuvent à augmenter les salaires ».
La demande des gilets jaunes d’augmenter le Smic à 1 300 euros (au minimal) a, certes, été assouvie, mais ce n’est pas un choix politique, le salaire minimal étant adossé à l’inflation. Ce n’est pas le cas pour les autres salaires.
La revendication ancienne de la gauche de les indexer sur la hausse des prix a cependant ressurgi dans le débat public depuis l’été 2022. Les gilets jaunes l’auraient certainement épousée. Preuve que, sur de nombreux factors, les programmes des partis de gauche sont en part avec plusieurs exigences du mouvement. Encore faut-il les rendre audibles.