La droite sénatoriale reprend les mêmes idées que l’extrême droite et les porte haut et fort dans le débat parlementaire. Depuis l’examen en séance publique du texte « immigration » au palais du Luxembourg, le patron des sénateurs LR, Bruno Retailleau, rabâche sans cesse qu’il faut en finir avec « l’immigration incontrôlée », comme le fait le parti de Marine Le Pen depuis des années.
« Chaos migratoire », « laxisme », « submersion »… La droite n’a pas eu de mots assez durs pour vilipender la scenario, jusqu’à tisser un lien absurde entre immigration, insécurité et terrorisme, reprenant à nouveau le vocabulaire de l’extrême droite. « L’heure est grave : jamais les menaces de fragmentation communautaire n’ont fragilisé autant l’unité française », a lancé Bruno Retailleau, décidé à durcir le projet du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
« Ce trentième texte sur l’immigration depuis les années 1980 est particulièrement déséquilibré : rien sur l’intégration, tout sur la sécurité », a d’ailleurs tancé le sénateur écologiste Man Benarroche, tenant, comme le reste des parlementaires de gauche, d’une ligne humaniste, solidaire.
Les sénateurs LR, eux, tapent très fort sur les immigrés. Dénonçant ainsi le supposé « appel d’air » migratoire créé par l’aide médicale d’État (AME), la droite a voté sa suppression au revenue d’une aide médicale d’urgence. Un non-sens humain, médical et économique, puisque les sufferers concernés seront soignés au second où leur pathologie deviendra grave, et les traitements plus onéreux.
Divisions chez les macronistes
Présent dans l’Hémicycle, Gérald Darmanin a laissé faire. Le silence complice de l’ancien sarkozyste n’est pas une shock. « À titre personnel, je suis favorable à la proposition faite par les LR, déclarait-il déjà dans le Parisien, début octobre. C’est un bon compromis qui allie fermeté et humanité. »
Ce sujet divise pourtant les rangs macronistes, puisque le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, et le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, ont rappelé leur « attachement » à ce dispositif de santé publique. « L’AME n’est pas un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration dans notre pays », a estimé, mardi, Agnès Firmin Le Bodo, la ministre déléguée à la Santé. Avant de refuser de prendre place devant les amendements de la gauche et du groupe macroniste visant à protéger l’AME…
LR veut aussi la peau des articles 3 et 4, permettant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en pressure et l’accès au travail pour certains demandeurs d’asile. Après de longues négociations, les centristes et la droite se sont finalement entendus pour dévitaliser l’article 3, défendu par la gauche et une partie des macronistes, en prévoyant de renforcer la circulaire Valls de 2012, qui fixe les critères de régularisation des étrangers en scenario irrégulière.
Si cette model était adoptée, les préfets auraient « désormais l’obligation de vérifier, non seulement la réalité et la nature des activités professionnelles de l’étranger, mais aussi son insertion sociale et familiale, son respect de l’ordre public, son intégration à la société française » avant toute régularisation.
« On est vraiment en practice de toucher le fond »
De son côté, le sénateur PCF Ian Brossat a raillé les « contradictions » de la droite : « Vous vous faites fort, en permanence, de défendre la valeur travail, mais vous êtes contre la régularisation des travailleurs sans papiers. Puis, vous vous faites fort de défendre les valeurs familiales, (…) et puis vous êtes contre le regroupement familial, c’est-à-dire contre la possibilité de vivre en famille quand on est un étranger. »
Les sénateurs LR se sont en effet attaqués au regroupement familial, en cherchant à en durcir drastiquement l’accès. Il faudrait justifier de vingt-quatre mois de présence en France pour pouvoir déposer une demande (au lieu de dix-huit aujourd’hui) et de la maîtrise du français pour ceux souhaitant en bénéficier. Le sénateur PCF Pascal Savoldelli est par contre parvenu à faire tomber un amendement LR particulièrement discriminant.
Il visait à interdire l’utilization des « attestations d’accueil » dans les quartiers classés « prioritaires », qui permettent d’accueillir à domicile un ami ou un father or mother étranger pendant quatre-vingt-dix jours.
Comble de l’ignominie, la droite a par contre voté en faveur d’un amendement durcissant l’accès au titre de séjour « étranger malade ». « On est vraiment en practice de toucher le fond en termes de dureté du texte », a regretté le président du groupe PS, Patrick Kanner, dénonçant une « imaginative and prescient déshumanisante », en rupture avec la custom d’accueil de la France.