Vengeance d’une occupation tout entière contre la nomination d’un avocat Place Vendôme ou défense stricte et désintéressée du droit ? Au deuxième jour du procès d’Éric Dupond-Moretti devant la Cour de justice de la République, on est entré dans le vif du sujet, avec l’interrogatoire du prévenu, le matin, et l’audition des premiers témoins, l’après-midi, en l’incidence ceux qui ont porté plainte contre le garde des Sceaux.
« Un acte grave, sans précédent pour l’Union syndicale des magistrats (USM), que je n’aurais jamais pensé avoir à faire dans ma carrière », a reconnu l’ex-présidente du syndicat, Céline Parisot ; « une démarche qui était notre dernier recours pour défendre le droit », a aussi précisé Katia Dubreuil, son homologue de l’époque au Syndicat de la magistrature (SM).
Toujours combatif et souvent excédé
Toujours combatif et souvent excédé, le ministre de la Justice n’a pas la même lecture des faits. L’ancien ténor du barreau l’guarantee : s’il comparaît aujourd’hui, c’est parce que les magistrats, et singulièrement leurs syndicats, n’auraient pas accepté sa nomination comme garde des Sceaux, le 6 juillet 2020, qu’ils lui ont « déclaré la guerre dès la première minute » et auraient tout fait, après, pour « obtenir sa démission ».
Quant aux « conflits d’intérêts » que la justice lui reproche, il guarantee que « personne » ne l’a alerté sur les risques qu’ils représentaient. « Ni le conseiller justice de l’Élysée, ni celui du premier ministre, ni mon administration. Pour moi, à ce moment-là, je ne suis plus avocat, il n’y a aucun conflit d’intérêts. »
Pourtant, ils sont nombreux à juger alors que les enquêtes administratives lancées ou prolongées par le ministre à l’encontre de quatre magistrats (l’ex-juge à Monaco Édouard Levrault et trois magistrats du Parquet nationwide financier) peuvent poser problème. Pas Éric Dupond-Moretti, qui insiste : « Mon however alors, c’est de réussir dans ce ministère. Le reste, je m’en fous. Le juge Levrault, les magistrats du PNF, ils sont le cadet de mes soucis. »
Celui qu’on a surnommé « Acquittator » pour sa réussite insolente dans les cours d’assises pendant ses trente-six années de gown plaide aussi le manque d’expérience du ministre débutant qu’il était à l’été 2020. « Moi, à l’époque, je ne maîtrise pas tout. Je découvre la chancellerie. Je ne sais pas ce qu’est un décret de déport, par exemple », guarantee le ministre, qui dit « avoir fait confiance à (son) administration ». « Au fond, je n’ai pas eu de probability parce que ce ”truc“, ce ”machin“ m’est tombé dessus. Et il a bien fallu que je gère ces enquêtes lancées par ma prédécesseure », ajoute-t-il.
« Cette procédure est une instrumentalisation personnelle contre moi »
« Mais pourquoi avoir donné les noms des magistrats du PNF soumis à enquête dans votre communiqué du 18 septembre ? » l’interroge le représentant de l’accusation, Rémy Heitz. « Les noms étaient connus, et je ne voulais pas que l’opprobre soit jeté sur l’ensemble du Parquet nationwide financier », ose le ministre.
« Avez-vous eu le sentiment d’avoir été mal conseillé ? » l’interroge alors l’un des juges suppléants, le sénateur LR Louis Vogel. « J’assume la responsabilité de ce que j’ai fait. Je ne veux pas me défausser sur des collaborateurs qui ont été loyaux », répond le garde des Sceaux.
Quand Rémy Heitz lui rappelle que les syndicats de magistrats l’ont alerté à de nombreuses reprises sur son « problème » de conflit d’intérêts, Éric Dupond-Moretti fulmine. « Les syndicats m’ont demandé de retirer une enquête lancée par ma prédécesseure, ce qui aurait été un acte illégal, un abus de pouvoir. Ils ont ensuite déposé plainte. Le however, c’était que je démissionne. Il y a une hargne derrière tout ça. Cette procédure est une instrumentalisation personnelle contre moi. »
Si Céline Parisot et Katia Dubreuil sont apparues déterminées, lors de leur interrogatoire, elles n’ont pas montré la moindre hargne contre le garde des Sceaux. L’ex-présidente du SM a même rappelé que son syndicat avait formulé pas mal d’espoir dans l’arrivée d’Éric Dupond-Moretti au ministère.
« Quand il a été nommé, on a pensé que c’était une personnalité qui pouvait faire bouger les lignes. Sur la jail, sur la procédure pénale, sur son attachement aux cours d’assises, on se sentait en part avec ce ministre, on pensait pouvoir avancer avec lui », a raconté Katia Dubreuil. C’est le « déni » du garde des Sceaux qui a forcé les syndicats à agir. « Si on ne faisait rien, d’une certaine manière, cela aurait fait jurisprudence. Il fallait rappeler le droit », a expliqué l’ex-présidente du Syndicat de la magistrature.