À chacun sa approach pour se faire entendre : Kalifa Sidibé tapote en rythme sur son djembé. « Je fais du bruit pour qu’on nous entende », lance celui qui travaille depuis quatre ans à Chronopost et lutte depuis deux ans pour réclamer sa régularisation.
C’est sa façon d’interpeller les sénateurs et sénatrices au sujet du projet de loi asile et immigration porté par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin qui sera débattu en fin d’après-midi au Sénat. Des élus, notamment Yannick Jadot (Les Écologistes), Pascal Savoldelli (PCF) et Andrée Taurinya (LFI) sont venus les soutenir. Cette dernière dénonce un projet de loi qui « veut faire la chasse aux étrangers, aux immigrés et aux réfugiés ». Un ressenti partagé par la plupart des travailleurs sans-papiers réunis en face du Sénat, dans le 6e arrondissement de Paris.
L’hypocrisie du gouvernement sur les travailleurs sans papier
Mody Diawara, militant du collectif des sans-papiers de Montreuil, est l’un d’eux. Il dénonce l’hypocrisie d’un gouvernement qui mobilise les travailleurs sans-papiers lorsqu’ils sont nécessaires au bon fonctionnement des entreprises françaises et qui les délaisse lorsqu’il n’en a plus besoin.
Il fait notamment référence à l’article 3 du projet de loi, catalyseur de tensions, qui prévoit la création d’un titre de séjour destiné aux « métiers en pressure » de seulement un an, renouvelable sous certaines circumstances. Liste qui n’a pas été mise à jour depuis sa publication au Journal Officiel en avril 2021.
Arrivé en France il y a une dizaine d’années pour fuir son pays après un coup d’État, ce travailleur qui s’est exilé d’abord au Maghreb avec pour seul objectif de rejoindre l’Europe afin d’y être en sécurité, travaille désormais dans le bâtiment, en tant que manœuvre. Mody Diawara estime qu’il « mérite d’avoir des papiers », mais il craint que cela ne dure qu’une année.
« On bosse ici, on vit ici, on reste ici »
« C’est le minimal quand même ! », revendique Aboubacar Dembele, faisant partie du collectif de travailleurs sans-papiers de Vitry et de France. Lui aussi est employé depuis deux ans à Chronopost. Le jeune homme estime au micro, devant ceux qu’il appelle « mes camarades » : « Ces travailleurs ont tenu le pays pendant la pandémie, ils livraient, aidaient les personnes âgées, nettoyaient. » Son discours est nourri de leurs applaudissements. Ces grévistes lèvent le poing en l’air et scandent : « On bosse ici, on vit ici, on reste ici ».
En pointant le Sénat du doigt, Aboubacar Dembele estime que les principaux concernés sont éloignés des décisions politiques qui les impactent. « Nous n’avons pris half à aucun débat sur la query, déplore-t-il, ce ne sont pas eux les specialists, c’est nous, on a vécu cette scenario ! »
Les travailleurs sans-papiers seraient, en fait, coincés au sein d’enjeux politiques, « d’une course à l’échalote entre la droite et l’extrême droite, à laquelle le gouvernement semble prendre half », selon Jean-Louis Marziani de Solidaires 94. Il condamne ce projet de loi « régressif et répressif » envers les droits des sans-papiers. Eux qui martèlent, sous l’impulsion du djembé de Kalifa Sidibé : « Qu’est-ce qu’on veut ? Des papiers ! »