Sénateur PCF de Paris, Ian Brossat va mener, au nom des communistes, avec une partie de la gauche, de la Macronie et du Modem, un bras de fer sur le projet de loi immigration, débattu à partir du 6 novembre au palais du Luxembourg. Face à la droite, la bataille s’annonce impolite pour maintenir l’article 3 prévoyant la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en pressure. Et défendre les 55 amendements que le groupe Communiste républicain citoyen et écologiste-Kanaky (CRCE-Okay) va déposer.
Vous présentez un amendement identique, avec les groupes PS, EELV, Modem et une partie du groupe macroniste, visant à revoir l’article 3 du texte gouvernemental sur la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en pressure. Pourquoi cette mesure est-elle importante et quelles modifications souhaitez-vous y apporter ?
C’est une mesure de bon sens. Aujourd’hui, des milliers de travailleurs sans papiers produisent des richesses dans notre pays et sont dépourvus de droits. Il est aberrant que des pans entiers de notre économie, comme la restauration, le bâtiment, s’appuient sur des travailleurs sans droits.
Il est indispensable de les régulariser, ce serait une bonne selected pour ces personnes afin qu’elles puissent sortir de la clandestinité et pour le monde du travail. Automotive les maintenir en state of affairs irrégulière entretient le dumping et tire le monde du travail vers le bas.
La circulaire Valls de 2012 laisse au bon vouloir du patron le fait de déclarer ou non son employé. Désormais, la disposition prévue dans le texte actuel prévoit la régularisation sans l’accord de l’employeur. C’est une avancée, étant donné qu’elle permet de sortir de ce lien de subordination.
Néanmoins, cette définition est très insuffisante en raison de la définition des métiers en pressure. Notre amendement vise à aller plus loin, en élargissant le champ de la régularisation dans la loi.
Notre objectif : augmenter le nombre de personnes qui pourraient bénéficier d’une régularisation. Et la liste des métiers en pressure ne serait pas seulement décidée par le ministère du Travail, mais aussi en lien avec les syndicats.
Quelles sont les autres idées sur l’immigration que vous défendrez dans les semaines de débat à venir ?
Je suis convaincu que la gauche doit être à l’offensive sur ces sujets. Il faut d’abord créer les situations d’un accueil digne. Or, aujourd’hui, ce n’est pas du tout le cas ; c’est parce que les États n’accomplissent pas leurs missions que les mafias et les passeurs prospèrent.
S’il y avait des voies légales des migrations, il n’y aurait pas de passeurs. S’il y avait un accueil digne des réfugiés avec des locations d’hébergement en nombre suffisant, il n’y aurait pas des milliers de logements indignes dont profitent les marchands de sommeil.
Sur l’intégration, il faut développer des companies publics de qualité, avoir des écoles qui fonctionnent, faciliter l’accès au travail, d’où l’amendement sur la régularisation. Un autre texte vise à permettre aux demandeurs d’asile de pouvoir travailler dès qu’ils arrivent. Enfin, il faut agir sur les causes des migrations, et bâtir des relations Nord-Sud qui sortent d’une pure relation de domination néocoloniale.
La philosophie générale de ce projet de loi de Gérald Darmanin est-elle très éloignée de ces considérations ?
C’est un texte qui, à l’exception de l’article 3, reprend tous les poncifs de la droite et de l’extrême droite sur ce sujet, en présentant l’immigration comme une menace. Il repose en effet sur l’idée fausse selon laquelle notre pays serait confronté à une « submersion migratoire », comme le dit la majorité sénatoriale.
Or, chaque année, la France voit arriver sur son sol entre 200 000 et 250 000 immigrés, soit à peine 0,3 % de la inhabitants nationale. On est bien loin de la prétendue invasion dont on nous parle.
Ce texte considère aussi qu’il faudrait dégrader les situations d’accueil pour limiter l’immigration. Mais ce qui les pousse à rejoindre la France, ce n’est pas la state of affairs dans le pays d’accueil, c’est bien celle dans le pays de départ. Le déni de réalité est du côté de la droite et de la Macronie.
Les communistes seront à l’offensive pour ne pas laisser gagner la droite et l’extrême droite. Automotive, lorsqu’on traite de la place qu’on accorde aux étrangers, on parle de nous, de ce que nous voulons faire de ce pays. Souhaite-t-on être fidèles aux valeurs de la République, ou va-t-on leur tourner le dos ? En l’état, c’est un projet de loi qui n’est pas respectueux des principes républicains.
Parmi les obsessions de la droite et de son extrême sur l’immigration, il y a la suppression de l’aide médicale d’État (AME). Gérald Darmanin suggest de la remplacer par l’aide médicale d’urgence (AMU), aux périmètres et situations d’accès bien plus restreints. Est-ce une mesure dangereuse ?
Ce que souhaite faire le ministre de l’Intérieur est profondément inhumain. Refuser l’accès aux soins à des personnes malades, ce n’est pas digne de la septième puissance économique mondiale. C’est également une mesure stupide en termes de santé publique, puisqu’elle va conduire à engorger davantage les urgences, à désorganiser l’hôpital. Du level de vue des funds publiques, cela nous coûtera plus cher.
La droite pense qu’en remettant en trigger l’AME, cela va dissuader ceux qui cherchent refuge à venir en France. C’est complètement absurde, ils ne viennent pas ici pour cette aide médicale, mais pour fuir la misère ou les guerres. D’ailleurs, la moitié de ceux qui ont droit à l’AME ne la touche pas.
Gérald Darmanin entend porter de trois mois à dix-huit mois la durée maximale de rétention administrative pour les étrangers en state of affairs irrégulière. Qu’en pensez-vous ?
C’est une mauvaise mesure. J’ai visité le centre de rétention administratif (CRA) de Vincennes, dans lequel une majorité de personnes restent sur le territoire français à l’challenge de leur période de rétention, notamment parce que les pays dont elles sont originaires ne donnent pas de laissez-passer consulaire.
Dès lors qu’on sait qu’elles vont rester sur le territoire, on devrait réfléchir à leur réinsertion. Or, aucune disposition du texte ne traite cette query. On ne va pas les réinsérer en les mettant en CRA ou en les assignant à résidence. C’est une fois de plus une politique de communication, une politique du tweet.
Entretien réalisé par Lola Ruscio