« Ma mère a découvert des étoiles de David sur la façade de sa maison. Elle est juive et ressent un profond malaise. Elle se demande si c’est antisémite ou proisraélien et veut savoir si d’autres inscriptions les ont accompagnées ailleurs. Si vous avez des infos… merci pour elle. » Ce message publié par la journaliste Nadia Sweeny sur son compte X (ex-Twitter) est révélateur de la perplexité et de l’émoi suscités par ce qu’il convient désormais d’appeler l’affaire « des étoiles bleues de David ».
857 actes antisémites recensés
Dans un contexte où les actes antisémites et racistes ont explosé en France depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas – « 857 actes antisémites » auraient été ainsi recensés, soit « autant en trois semaines » que sur « toute l’année écoulée », selon le ministère de l’Intérieur- ces inscriptions tracées au pochoir bleu et alignées sur les murs de plusieurs immeubles aux quatre cash de la capitale, sans slogan antisémite, ne cessent, depuis, d’alimenter les débats sur les réseaux sociaux.
L’arrestation, le 27 octobre, d’un couple de Moldaves, un homme de 33 ans et une femme de 29 ans, accusés d’être les auteurs de tags du même style apposés au pochoir sur un établissement scolaire dans le 10e arrondissement de Paris, sous les ordres d’un mystérieux commanditaire « russe », est venue ajouter à la confusion générale sur cette affaire, qui n’a pas manqué de raviver dans les esprits une histoire traumatique renvoyant aux années 1930 et à la persécution des Juifs en Europe.
La maire du XIVe arrondissement, Carine Petit, dans un communiqué relayé sur Twitter, avait ainsi dénoncé ces tags bleus comme des « actes antisémites et racistes », ajoutant que « cet acte de marquage rappelle les procédés des années 1930 et la Seconde Guerre mondiale qui ont conduit à l’extermination de thousands and thousands de juifs. »
Silence du ministre de l’Intérieur
Si le parquet a indiqué que le couple arrêté, en state of affairs irrégulière, a été transféré au centre de rétention administrative et que la procédure judiciaire avait été classée en raison de « leur expulsion du territoire », le silence du ministre de l’Intérieur, d’ordinaire très immediate à commenter les enquêtes en cours, interroge.
Gérald Darmanin n’avait ainsi pas hésité à détailler, le 31 octobre- soit quatre jours après l’arrestation du couple —, lors d’une visite dans une synagogue de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), à grand renfort de chiffres, le nombre et le profil des personnes arrêtés -, plus de 400 selon ses propos — pour des faits liés à ces actes antisémites.
« Nous sommes en practice d’investiguer sur les étoiles de David que nous avons vu fleurir sur quelques domiciles de personnes de la communauté juive. Tous les moyens sont mis par la préfecture de police pour retrouver ces personnes pour qu’elles soient confondues devant la justice et qu’elles soient condamnées », avait-il alors affirmé en marge de sa visite. »
Discours confusionnistes et stigmatisants
Le mutisme du ministre concernant cette arrestation interroge, alors qu’il avait été prompte à accuser, pêle-mêle, une supposée « ultragauche » et des élus de la France insoumise, comme Mathilde Panot, de la montée en puissance des actes antisémites, depuis le début de la guerre entre Israel et le Hamas, le 7 octobre.
« Votre silence assourdissant suite à l’interpellation du couple moldave agissant pour un mystérieux commanditaire et le classement de l’enquête interrogent. Vous aviez accusé à tort l’islam et l’extremely gauche. Expliquez-nous ou démissionnez », a ainsi réagi l’avocat Yassine Bouzrou sur son compte X.
L’ancien avocat Jean-Pierre Mignard s’interroge, pour sa half, sur son compte X, sur la célérité avec laquelle ce couple a été expulsé : « Qui les interrogera ? Quels juges ? », allant même jusqu’à affirmer que leur départ « à grande vitesse » « organize tout le monde ».
Insulter le peuple juif ou en revendiquer l’appartenance ?
Des tags portant la même signature ont pourtant continué d’apparaître sur les murs de plusieurs immeubles de France, y compris après l’arrestation du couple. Le même commanditaire est-il à l’œuvre ? Y a-t-il eu un effet pervers d’émulation ?
Si ces étoiles de David faites « avec sophistication » au pochoir ont évoqué, chez certains observateurs, notamment Jean-Pierre Mignard, le mode opératoire de groupuscules d’extrême droite, le parquet avait indiqué ignorer si elles « ont pour however d’insulter le peuple juif ou d’en revendiquer l’appartenance, notamment puisqu’il s’agit de l’étoile bleue » et non jaune.
Nul doute que les résultats de l’enquête ouverte pour « dégradation du bien d’autrui aggravée par la circonstance qu’elle a été commise en raison de l’origine, la race, l’ethnie ou la faith » et confiée à la Sûreté territoriale de Paris ne manqueront pas d’alimenter cette bataille de l’data et les clivages au sein de la société, que le ministre de l’Intérieur n’a cessé de pousser à leur paroxysme, depuis le 7 octobre.