De l’eau, un jour sur trois et pour 18 heures seulement. Une scenario intenable dénoncée par les habitants de Mayotte, qui subissent de nouvelles restrictions depuis le 11 octobre. « Je comprends l’exaspération mais cela est le fait de tant d’années où les choses n’ont pas été faites », se défend le ministre des Outre-mer, Philippe Vigier qui s’est rendu dans l’archipel de l’océan Indien fin septembre pour annoncer quelques mesures supplémentaires, complétées par Élisabeth Borne début octobre. Pas de quoi convaincre les syndicats mahorais qui ont déclenché une grève pour le respect d’un droit élémentaire : « de l’eau potable et gratuite pour tout le monde ». Un minimal que la République devrait assurer.
Des marchés raflés par Vinci
Mais, elle a au contraire laissé s’installer ce scandale de l’eau qui frappe aujourd’hui Mayotte de plein fouet : d’une délégation de service public à une filiale de Vinci pas exempte de conflits d’intérêts, à des contrats pour augmenter les capacités de l’usine de désalinisation non respectés, en passant par une gestion du syndicat des eaux pointée du doigt par la justice. Et ce sans que les companies de l’État ne mettent le holà. C’est ce que mettent en lumière des paperwork révélés par Le Monde, ce vendredi.
À commencer par des échanges entre la préfecture mahoraise et le Syndicat intercommunal d’eau et d’assainissement de Mayotte (Sieam) sur deux nouvelles unités de dessalement de l’eau de mer prévue en 2017 à la suite d’une précédente sécheresse exceptionnelle ayant déjà provoqué une crise de l’eau. « Il est impératif de rendre opérationnelles ces unités de manufacturing au plus vite. Il a été convenu que le Sieam confiera cette opération à son délégataire, la SMAE (la Société mahoraise des eaux, filiale du groupe Vinci, N.D.L.R.), par voie d’avenant au contrat de délégation de service public de manufacturing d’eau potable », prescrit la préfecture dans l’un des courriers. Ce marché d’extension de l’usine de désalinisation de Petite Terre est confié dans la foulée à la Sogea-Vinci Building, une autre filiale.
Contrats non respectés et conflits d’intérêts
En 2018, le syndicat des eaux entre en conflit avec la SMAE, estimant que celle-ci se sucre un peu trop. Un constat confirmé par la chambre régionale des comptes, dans un doc également cité par le Monde : les recettes augmentent (de 11 à 25,8 tens of millions d’euros entre 2008 et 2018) mais la half reversée au syndicat diminue (de 45 % à 27 % sur la même période). Pendant ce temps, les nouvelles infrastructures prennent du retard et l’usine de dessalement ne remplit pas ses objectifs. Vinci ne respecte pas les engagements pris par contrats et fait valoir des difficultés strategies pour le justifier. L’entreprise menace aussi, au passage, de réclamer 30 tens of millions en cas de rupture de contrat.
En 2020, la course de l’audit de la Fee européenne pointe – parmi de multiples irrégularités – un autre problème majeur : « un conflit d’intérêts non déclaré ou insuffisamment atténué », puisque SMAE et Sogea font partie du même groupe et que la première a été partie prenante de l’attribution du marché à la seconde. Résultat : les fonds européens qui finançaient une partie du projet sont suspendus.
La gestion du syndicat des eaux dans le collimateur du PNF
La gestion du Sieam (devenu syndicat mixte, Smeam), à qui Vinci renvoie la responsabilité des difficultés, n’est pas exempte de critiques notamment en raison du découpage de ses appels d’offres sous le seuil où la mise en concurrence devient obligatoire. Le Parquet nationwide financier (PNF) a même ouvert une enquête en mars 2020, soupçonnant un utilization inapproprié des deniers publics.
Dans le collimateur du PNF : le président du Sieam entre 2014 et 2020, Moussa Mouhamadi, des entreprises et des élus locaux, pour des délits de « favoritisme », « recel et complicité de favoritisme », « détournements de fonds publics », « corruption passive par personne chargée d’une mission de service public ». Moussa Mouhamadi argue pour sa défense que, depuis 2017 et la mise en place des comités de l’eau, les décisions devaient être validées par le préfet.
« Le passé, c’est le passif, je le regrette, élude Philippe Vigier, dans les colonnes du Monde. Mais mon boulot, c’est de trouver des options. Sous ma gouvernance, je ne laisserai rien passer. »
Les Mahorais, eux, ont toujours soif.