Quatre mois après les promesses, l’heure est au bilan de parcours. Le président de la République Emmanuel Macron était ce lundi 21 avril à Mayotte pour faire un « point sur la première étape de réponses à l’urgence ». Mais aussi « préparer la reconstruction » de l’île dévastée par le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, qui a fait 40 morts et causé 3,5 milliards d’euros de dommages. « Mayotte doit être plus belle demain qu’elle n’a été même avant le cyclone », répète depuis des semaines le palais présidentiel, comparant ce chantier à celui de la cathédrale Notre-Dame de Paris après l’incendie.
Un optimisme que les élus et habitants locaux jugent démesuré tant la situation peine encore à s’améliorer. « Encore aujourd’hui, beaucoup de concitoyens nous appellent pour réclamer des bâches. Cela signifie que personne n’a réussi à refaire le toit de leur maison pour éviter que l’eau ne coule. On voit encore des montagnes de déchets, des fils électriques par terre, des toits à l’air libre », témoigne le maire LR de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaila, qui explique que 40 % de l’éclairage public seulement a été rétabli.
« Beaucoup de choses tardent à se concrétiser. Le prêt à taux zéro pour la reconstruction, les aides promises aux familles sinistrées, en particulier celles non assurées… Dans le même temps, nous subissons une inflation de tous les produits alimentaires », relève Ben Issa Ousseni, président LR du conseil départemental de Mayotte, qui attend des mesures concrètes pour « une sécurité restaurée, une égalité réelle et un développement soutenu ».
Un « cap » en deux textes
À son arrivée sur le tarmac, Emmanuel Macron, accompagné de la première dame, Brigitte Macron, et des ministres Manuel Valls, Annie Genevard, Yannick Neuder et Thani Mohamed-Soilihi, a tenu à anticiper les reproches qui pourraient lui être faits quant à la lenteur du redressement. « Nous ne sommes pas au moment d’une reconstruction pleine et entière, a-t-il reconnu. On a rétabli les réseaux, on a tout fait pour que les écoles soient rouvertes… On est au début d’une reconstruction durable de Mayotte. »
Et de poursuivre : « Beaucoup a été fait pour rétablir les services premiers. Je sais les difficultés qu’il y a pu avoir pendant de très longues semaines, je sais ce qu’il reste à consolider. Mais la période a été stabilisée, on a répondu à l’urgence extrême. Maintenant, je suis là pour faire le constat de ce qui a été bien fait et pas assez bien fait, pour donner un coup d’accélérateur et le cap des prochains mois. »
Ce prétendu « cap » est à trouver dans deux textes qui ont été présentés ce lundi soir à l’occasion d’un Conseil des ministres spécial. Un projet de loi organique et une loi de programmation « pour la refondation de Mayotte ». Le tout permis par une enveloppe de 3,2 milliards d’euros sur six ans qui « aura vocation, avec des clauses de revoyure, à être régulièrement passée en revue », a développé le chef de l’État devant les élus locaux. Elle comportera « des fonds nationaux » et « des fonds européens ». « Je suis lucide, ce n’est pas un texte de loi qui réglera la situation, a tempéré Emmanuel Macron. C’est une volonté de chaque instant pour régler les problèmes de fond. Nous avons de grandes entreprises françaises qui vont se déployer. »
Au mois de février, le Parlement avait déjà adopté une loi d’urgence prévoyant des assouplissements aux règles d’urbanisme et des facilités fiscales pour accélérer la reconstruction. Sauf que, de l’avis de tous, localement, le manque de financements, les pénuries de matériaux, les assureurs qui traînent la patte et la difficile coordination des services de l’État entravent encore aujourd’hui le processus.
Ces dispositions suffiront-elles à répondre, au moins en partie, aux problèmes qui rongent Mayotte ? Le département le plus pauvre de France, avec 77 % de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté et un taux de chômage culminant à 37 %, croule tristement sous les difficultés. Selon les ONG présentes sur place, comme la Croix-Rouge française, l’accès à l’eau demeure difficile, avec des sources d’eau plus rares que jamais.
Quand elles existent, celles-ci sont jonchées de détritus, ce qui augmente les risques d’épidémies. Si des distributions d’eau ont lieu, elles sont encore largement insuffisantes. D’autre part, malgré 146 tonnes de nourriture livrées par les services de l’État, selon le chiffrage de la préfecture, tout le monde est loin de manger à sa faim, en particulier dans les villages plus reculés.
L’obsession migratoire plutôt que l’urgence sociale
Plutôt que de répondre à ce dénuement, Emmanuel Macron et ses ministres préfèrent se concentrer sur les questions migratoires, jouant sans fin le jeu de la surenchère. Ce lundi, le président a annoncé dans ce sens un plan « Hurawa wa shaba » (mur de fer) pour lutter contre l’immigration clandestine venant des Comores, déjà largement ciblée par Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, qui demandait la fin du droit du sol sur l’île.
Déployé d’ici à la fin de l’année, le plan de l’Élysée aura pour objectif de parvenir à réaliser « 35 000 reconduites à la frontière par an ». En clair, celui-ci prévoit le déploiement de radars et d’intercepteurs, la montée en puissance du groupe d’appui opérationnel (GAO), une unité de la police aux frontières, le partage d’intelligence avec les pays des alentours, mais aussi la mise en place d’une « zone d’attente pour les immigrés en situation irrégulière ».
Lors d’un tour de table avec les élus locaux, la députée Liot Estelle Youssoupha, pourtant habituellement loin d’être la dernière pour revendiquer la fermeté de l’État sur cette question, a interpellé le président de la République sur un autre point : le nécessaire déploiement de l’aide médicale d’État à Mayotte, qui en est privé, pour permettre aux étrangers d’avoir accès aux soins élémentaires.
Selon l’Insee, 48 % de la population est de nationalité étrangère. « Elle est réclamée par tous les soignants à l’hôpital, a-t-elle affirmé. On ne peut plus être dans un département d’exception. C’est une exception qui nous éloigne de la République. On ne peut pas continuellement nous refuser des droits en disant que ça va ouvrir les vannes de l’immigration. »
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