À Saint-Etienne métropole (Loire), les camions à ordures n’ont pas quitté leur entrepôt depuis deux semaines. Ni les pressions de l’exécutif métropolitain, ni l’exaspération croissante des riverains face aux montagnes de détritus qui s’amoncellent dans les rues ne semblent pouvoir faire plier le mouvement de grève lancé début avril par les éboueurs de la collectivité, à l’appel de la CGT SEM. Une détermination à la hauteur d’un « ras-le-bol profond ».
Sur le piquet de grève, ce mercredi 16 avril, Michaël Chambas, délégué CGT, livre d’une traite le récit de ce bras de fer entre des dirigeants jugés sourds aux alertes syndicales et des agents qui disent être à bout. Le mouvement est inédit par sa puissance, mobilisant 95 % de grévistes.
175 tonnes en plus de déchets par an et par équipage
Tout commence en 2023 quand, à la suite de la mise en place du tri de biodéchets à la source pour les particuliers et les professionnels (conformément à la loi antigaspillage de 2020), est imposée une refonte des tournées, qui a fait passer le nombre de circuits de collectes de 67,5 en trois passages par semaine pour les ordures ménagères à 55 circuits sur quatre jours. « La communauté de communes avait estimé qu’il allait y avoir une baisse de la quantité des ordures ménagères », explique Michaël Chambas. Sur le terrain, la charge de travail aurait au contraire explosé, affirme le syndicaliste, qui évalue l’augmentation à 175 tonnes par an et par équipage.
À ce surcroît de charges à transporter, et son lot de risques liés aux troubles musculosquelettiques, se sont greffés les effets d’une autre mesure prise par la métropole : la mise en place d’un QR code pour accéder aux déchetteries. « Une usine à gaz administrative », qui aurait eu pour conséquence de décourager les usagers de s’y rendre, selon le délégué CGT. « RDS, le prestataire de la métropole chargé de la collecte dans les déchetteries, affirme que leur nombre de passages a été divisé par quatre, c’est-à-dire que là où il y avait 100 passages, il n’y en a plus que 25 », pointe le syndicaliste.
Contacté par l’Humanité, François Driol, vice‑président de Saint‑Étienne Métropole, conteste ces chiffres, affirmant « qu’au regard des faits et des chiffres constatés, il n’est pas avéré que le dispositif de contrôle d’accès à nos déchèteries, mis en place depuis le 4 novembre 2024 seulement, ait eu un effet sensible sur la collecte des déchets en porte à porte. » Il estime au contraire « la proportion des déchets ainsi reportés à moins de 5 % », et se montre confiant sur une évolution positive de la situation.
Graviers et substances toxiques
Pour Michaël Chambas, le résultat n’en est pas moins là : des détritus destinés à être jetés en déchetteries rempliraient désormais les bacs des agents de collectes, contraints de ramasser produits électroménagers, carrelages, graviers, « dont on ne sait pas s’ils contiennent de l’amiante ou du plomb », affirme le syndicaliste. Selon lui, depuis la mise en place de ces nouvelles dispositions, « deux agents ont été piqués par des seringues usagées, avec tout le processus qui s’ensuit : prise de sang immédiate, puis à six jours, et tous les mois pendant six mois, sans compter l’angoisse et le sentiment de mépris que cela génère chez les agents ».
D’autant que ces incidents auraient été suivis par plusieurs réunions techniques visant à alerter la direction et les élus sur la dégradation des conditions de travail, sans pour autant ne donner lieu à aucune avancée, détaille le syndicaliste qui dénonce « l’immobilisme, l’irresponsabilité et le mépris » de l’exécutif métropolitain. À ses yeux, cette grève ne pourra cesser tant que les revendications des éboueurs n’auront pas été entendues.
À commencer par une reconnaissance de la pénibilité accrue de leur travail, à travers une revalorisation de la prime « travaux dangereux et insalubre » à 120 euros (contre 75 euros actuellement). Ils demandent également des moyens techniques pour assurer la protection des agents, avec la mise à disposition de bacs en nombre suffisant et, quand la configuration des rues ne le permet pas, « que soit revue la fréquence de collecte de ces zones car on ne peut pas faire ramasser aux agents un nombre de sacs indéfinis par jour. »
«NON Dialogue Social de Fazde»
Après une nouvelle réunion infructueuse de début de semaine, les négociations semblent dans l’impasse. Le tout sur fond de paralysie politique au sein de la collectivité, où l’exécutif est tétanisé par le procès à venir de son président, Gaël Perdriau (LR), en retrait de ses fonctions après sa mise en cause dans une affaire de chantage à la sextape, en 2022.
François Driol assure pourtant « (s)’être montré à l’écoute des difficultés qui ont été présentées », tout en mettant en avant des marges de manœuvre étroites, tant sur la question de la « réorganisation, même partielle, du dispositif de collecte (qui) ne peut pas être improvisée et mise en place en quelques jours », qu’au niveau des revendications liées aux rémunérations. Selon lui, « les conditions d’attribution de régimes indemnitaires sont fortement contraintes par la loi, par les limites de nos capacités budgétaires et par notre détermination à assurer une totale équité entre toutes les catégories de personnels de la Métropole ».
Il évoque par ailleurs « un dialogue social continu ». Ce que conteste avec vigueur Michaël Chambas : « C’est un dialogue social de façade, sinon on n’en serait pas là. S’il y avait une vraie considération, ils auraient par exemple changé les gants des agents, après les piqûres de seringue, alors qu’on n’avait cessé de le demander ! En fait, on veut juste travailler en sécurité et que notre travail soit reconnu à sa juste valeur ! »
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