Attention, dégringolade express. Du temps de sa superbe, Michel Ohayon était parvenu à se hisser à la 104e place des Français les plus riches, après avoir amassé en un peu plus d’une décennie une fortune estimée, selon Challenges, à 1,1 milliard d’euros. L’ancien nabab de l’immobilier commercial, propriétaire d’un luxueux hôtel particulier et crédité en 2023 de 400 millions d’euros, a été mis en examen vendredi à Paris pour banqueroute, abus de biens sociaux, escroqueries en bande organisée et blanchiment aggravé, selon le parquet de Paris, cité par l’AFP.
Il est soupçonné d’avoir détourné à son profit de l’argent des enseignes en difficulté Go Sport, Gap France et Camaïeu, entre 2021 et 2024, qu’il avait racheté avec d’autres marques en difficulté pour se créer un empire commercial.
Placé sous contrôle judiciaire, il a interdiction de diriger ou de gérer une société de quelque moyen que ce soit et a l’obligation de verser au tribunal un cautionnement de 500 000 euros. Olivier Pardo, son avocat, n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP dans l’immédiat. Son épouse a également été mise en examen.
Pour plus de 50 millions d’euros
Selon le parquet, cité par l’AFP, les investigations ont mis en évidence « l’existence de prélèvements des ressources de trésorerie significatives des différentes structures sociales que Michel Ohayon dirige en droit ou de fait, sans justification économique ou juridique, dans un contexte de situation financière sous tension pour ces sociétés, qui apparaissent contraires à leur intérêt social ».
Ces opérations ont « été dissimulées comptablement et ou justifiées par des opérations juridiques fictives », selon la même source. « Le produit tiré de l’ensemble des infractions reprochées est estimé à plus de 50 millions d’euros. »
Camaïeu, Gap, Go Sport, La Grande Récré… Les déboires financiers de ces enseignes grand public, que le sexagénaire venait d’acquérir en quelques années, ont fait les gros titres depuis la liquidation de la première, en septembre 2022, avec 2 600 employés sur le carreau. À la tête seulement aujourd’hui d’une vingtaine de magasins Galeries Lafayette en province, il avait dû céder Gap France et Go Sport, placées en redressement judiciaire peu après. Sa holding, la Financière immobilière bordelaise (FIB), le bras armé des investissements de l’ancien vendeur de vêtements devenu propriétaire d’immeubles et d’hôtels de luxe, était en 2023 en cessation de paiements, avec 500 millions d’euros de passif.
Le groupe Celio a racheté Camaïeu, les autres chaînes de vêtements et jouets étant reprises par des concurrents à la barre des tribunaux de commerce, comme la Grande Récré par JouéClub.
« Mouvements de trésoreries suspects »
Pour le parquet, il est « établi » que les procédures de redressement judiciaire de Camaïeu, Gap et Go Sport ont été provoquées « du fait notamment de ces mouvements de trésoreries suspects ». L’entrepreneur bordelais est entre autres soupçonné d’avoir détourné de l’argent des enseignes à des « fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé ».
Ainsi, il aurait viré du groupe Go Sport la somme « a minima de 36,5 millions d’euros sur les comptes de la société Hermione People and Brands (HPB) », une autre de ses sociétés, ce qui a « entraîné la cessation de paiement du groupe Go Sport », ou encore d’avoir consommé la trésorerie de Camaïeu « à hauteur de 41,3 millions d’euros pour le seul mois de septembre 2021 ».
Les parquets de Lille, Grenoble et Bordeaux s’étaient dessaisis au profit de la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) des signalements – provenant notamment de commissaires au compte – et plaintes reçus à la fin de 2022 et début 2023 sur des soupçons de détournements commis au préjudice des enseignes Gap, Camaïeu, Go Sport et Campus Academy.
Plus de 300 ex-salariés de Camaïeu ont assigné il y a quelques semaines quatre sociétés de la galaxie Ohayon, dont la FIB et HPB, dans le cadre d’une action en responsabilité civile. L’assignation, qu’a pu consulter l’AFP, dénonce « le financement de prestations ou de missions en tout genre octroyé à d’autres sociétés du groupe, en rien justifié » et qui « a clairement servi à favoriser d’autres sociétés du groupe, au détriment de (Camaïeu) », entraînant sa faillite.