Laurent Ribaut, le directeur de l’école Richomme dans le 18e arrondissement de Paris, enlace avec joie le petit Pierre-Maël à son arrivée le matin. « On l’a hébergé à l’école trois mois l’année dernière, forcément ça tisse des liens », relève-t-il.
L’enfant fait partie des dizaines de bambins qu’il a logés ponctuellement dans son établissement, comme la petite Anne-Laure. Elle arrive moins joyeuse. Les yeux hagards, elle avance sans voir. Avec sa mère Gloriane, elles sont logées depuis deux semaines dans un gymnase du 17e arrondissement.
Au milieu de la soixantaine de lits de camp, alignés sans plus de séparation ni de pudeur, la petite passe de mauvaises nuits. « Des couples se battent, des gens crient », raconte la maman. « Quand j’ouvre les yeux, je vois mon enfant qui regarde les gens, qui les écoute, qui ne se repose pas ».
Plus de 2 000 enfants à la rue en France
Cette immigrée en situation irrégulière a pu, grâce au soutien de l’association Un enfant un toit, trouver une place dans le centre d’hébergement d’urgence du centre sportif Courcelles. Avant cela, elle dormait dans des salles d’attente d’hôpital, des bus de nuit, des églises, « partout où je pouvais ».
En France, plus de 2 000 enfants dorment chaque nuit à la rue, selon les chiffres de l’Unicef d’août 2024. Face à ce scandale d’État, le sénateur PCF Ian Brossat défend ce mercredi 19 mars une résolution transpartisane visant à mettre fin au sans-abrisme des enfants, qui a des chances d’être adoptée.
Gloriane explique que le gymnase n’est pas mieux que la rue, qu’elle s’y sent autant, voire plus, en danger. Le contact rapproché avec d’autres personnes parfois déstabilisées l’inquiète, et le manque d’intimité porte atteinte à sa dignité. Il n’y a pas de douche, que des toilettes, pas de coin repas, pas d’endroit où travailler les devoirs de sa fille.
Une situation contraire au droit français
D’hébergement, le lieu n’a que le toit et les murs. Mais elle ne peut refuser les attributions du 115, le numéro d’urgence sociale, au risque de se voir expulsée du système. Sa demande de droit d’asile a été rejetée.
Pour toutes ces personnes fragilisées, appeler le 115 reste la seule solution pour trouver un logement. Mais cela ne marche pas à tous les coups. Sur France Info en décembre dernier, le directeur de la Fédération des acteurs de solidarité (FAS) s’insurgeait de devoir « hiérarchiser la misère », ce qui va contre le principe d’inconditionnalité, inscrit dans l’article 73 de la loi du 25 mars 2009, toujours en vigueur : « Toute personne sans abri et en situation de détresse médicale, psychique ET sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence. »
Or cela reste relatif, comme dans le cas de Gloriane. Depuis deux ans qu’elle est en France, elle n’a bénéficié au total que de quatre semaines, éparses, dans un centre d’hébergement d’urgence.
« Sur une centaine de familles qui scolarisent leur enfant chez nous, peut-être une quarantaine est mal logée », estime Laurent Ribaut, qui dirige l’école Richomme depuis plus de dix ans. Depuis le début de l’année 2025, il en a déjà hébergé une dizaine dans l’école, ainsi que leurs parents.
« Quoi qu’il arrive, ils peuvent rester scolarisés ici »
« C’est le cas de Lydia, une infirmière, régularisée, avec deux enfants, qui a refusé un logement insalubre proposé par le 115. Exclue du système à la suite de son refus, elle n’a pas eu d’autre choix que de loger dans un petit bureau de l’école jusqu’à ce que la mairie du 18e arrondissement se mobilise pour l’aider à trouver une place dans une HLM », raconte Marion, déléguée des parents d’élèves et soutien de l’association Un enfant un toit.
Plusieurs parents bénéficient d’un soutien actif de la mairie du 18e arrondissement. Gloriane, après quelques jours dans le centre d’hébergement d’urgence Suzanne-Valadon, a très vite vu sa fille Anne-Laure être scolarisée à l’école Richomme. Après la délivrance du certificat d’inscription par la mairie, c’est aux directeurs d’établissement d’accorder une admission, ce que Laurent Ribaut ne refuse jamais. « Quoi qu’il arrive, ils peuvent rester scolarisés ici, même si leur famille doit partir loin à cause des disponibilités dans les centres d’hébergement. »
Il a offert cette stabilité à la famille du petit Akshan, fils d’immigrés sri-lankais en situation irrégulière. Sur le territoire depuis dix ans, leurs multiples demandes de droit d’asile ont été déboutées et le logement qui leur était prêté a été saisi. Finalement hébergés par le 115 de façon durable à Colombes, ils amènent pourtant leur fils de 4 ans tous les matins à l’école maternelle du 18e.
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