Adoptée à l’unanimité au Sénat (338 voix pour et une seule contre, une « erreur de vote »), la loi de lutte contre les narcotrafics est désormais examinée à l’Assemblée nationale. Avant le débat dans l’hémicycle, à partir du 17 mars, le texte a été délesté de certains points controversés en commission, dans la nuit de jeudi à vendredi.
Exit les « dossiers-coffre » et les « procès-verbaux distincts »
L’article 16 de la proposition de loi contre le narcotrafic sur les « dossiers-coffre » proposait initialement une disposition pour un traitement différencié des cas de narcotrafic par rapport au droit commun. Le « dossier-coffre » suppose que certaines pièces à conviction ne seraient pas transmises aux avocats des accusés, pour préserver le secret des techniques d’enquête pour protéger les services de police des pressions des réseaux mafieux.
Sauf que cet amendement va à l’encontre du droit pénal et du principe du contradictoire, un principe fondamental du droit. « Le principe du contradictoire garantit à chaque partie le droit de prendre connaissance des arguments de fait, de droit et de preuve à partir desquels elle sera jugée », rappelle le site juridique vie-publique.fr. Pour pouvoir se défendre équitablement, un accusé doit avoir accès à la totalité des éléments qui lui sont reprochés.
Ce dispositif, qui a fait bondir les associations d’avocats, a été supprimé, cette nuit, grâce à un amendement des députés socialistes, à seize voix contre quinze, s’est félicitée sur X Corinne Capdevielle, députée PS et secrétaire de la commission des lois :
L’article 16 de la PPL Narcotrafic relatif au dossier coffre ou procès-verbal distinct est supprimé. Satisfaction de voir notre amendement adopté. pic.twitter.com/pIKsKpPp01
– Colette Capdevielle (@C_CapDevielle) 7 mars 2025
La « porte dérobée » dans les messageries cryptées (Whatsapp, Signal…) retoquée
L’article 8ter de la proposition de loi a lui aussi été supprimé. Il visait à mettre en place une clé de chiffrement dans le code des conversations sur les messageries chiffrées comme Whatsapp, Telegram ou Signal, ce qui conférerait la possibilité aux autorités et surtout aux services de renseignement d’accéder directement aux contenus, à l’encontre de la protection des données promise par ses applications.
Défendu par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau mais critiqué par des députés de tous bancs, y compris de la majorité, l’article a été retiré du texte. « La baisse du niveau de chiffrement, (…) c’est une porte ouverte à tous les ennemis possibles, y compris de notre pays », a alerté le député socialiste Roger Vicot, co-rapporteur du texte, tandis que le député Horizons Jean Moulliere s’est inquiété « d’une faille de sécurité qui touchera au final tous les usagers ».
Les suspects ne devront pas justifier leur train de vie
Les députés ont également supprimé « l’injonction pour richesse inexpliquée », qui visait à obliger les suspects à s’expliquer sur leur train de vie. Les élus ont estimé que cette disposition porterait atteinte à la présomption d’innocence et risquerait d’être censurée par le Conseil constitutionnel.
La commission des lois a en revanche approuvé une technique spéciale d’enquête plébiscitée par le gouvernement : l’expérimentation du recours à la surveillance algorithmique pour détecter des menaces liées à la criminalité organisée, comme c’est déjà le cas dans le cas de la lutte contre le terrorisme.
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