Les mandataires judiciaires comptent sur la Semaine nationale de la protection juridique des majeurs pour mettre en lumière leur profession mal connue et confrontée aux défis du vieillissement de la population et de l’affaiblissement des services publics.
Qui est concerné par la protection judiciaire des majeurs ?
Aujourd’hui, un million de nos concitoyens bénéficient d’une mesure de protection, c’est-à-dire d’une curatelle ou d’une tutelle. De façon schématique, ils sont répartis en trois catégories : ceux qui ont des problématiques liées au vieillissement, donc les maladies neurodégénératives et plus généralement d’affaissement de leurs facultés cognitives ; les personnes atteintes de troubles et de maladies mentales, quel que soit leur âge ; et, enfin, des personnes qui relèvent du handicap, physique ou mental.
L’âge moyen de ce public tourne autour de la soixantaine, ce qui montre la prédominance de personnes âgées. À 60 %, ils vivent à domicile et les 40 % restants sont pris en charge par des établissements. En raison du vieillissement de la population, selon une étude réalisée en 2016-2018, leur nombre va doubler d’ici à 2040.
Concrètement, quel est le rôle des mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) ?
Nous sommes des intervenants sociojudiciaires. Le point de départ de notre mission est une décision de justice qui place la personne sous curatelle ou sous tutelle. Ensuite, nous mettons en œuvre cette mesure de protection, c’est-à-dire que nous faisons le nécessaire pour que la personne ait ses droits financiers ouverts (RSA, allocation adulte handicapé, APL…).
On prépare aussi avec elle son budget et on s’assure qu’elle ait un logement adapté. On échange avec elle sur tous les aspects de sa vie, en fonction de son état et de la mesure de protection. On vérifie aussi que ses droits ne soient pas lésés. Par exemple, si elle hérite, c’est le MJPM qui regarde l’acte de succession, le signe dans l’intérêt de la personne, et s’assure que ses droits soient correctement établis.
Dans quelle mesure votre travail est affecté par l’affaiblissement des services publics, à commencer par la justice ?
Aujourd’hui, l’État porte une doctrine de « déjudiciarisation », notamment concernant la justice sociale et civile, celle du quotidien, ce qui correspond en réalité à une mise en adéquation des besoins du secteur avec des moyens financiers limités. Nous avons donc été confrontés à une tentative pour sortir le juge du dispositif de protection, mais nous nous sommes battus pour qu’il reste central, parce qu’il est quand même garant de la liberté individuelle. Deuxième difficulté liée aux partenaires de justice, l’allongement des délais, l’encombrement des instances et, depuis la réforme de la carte judiciaire, l’éloignement des tribunaux, problématique pour ce public vulnérable.
Mais la plus grosse difficulté à laquelle nous sommes confrontés dans notre accompagnement est le manque d’offre de soins et de professionnels dans le secteur de la psychiatrie adulte. Tout un public qui devrait bénéficier d’un suivi est en complète déshérence. S’ajoute la difficulté de trouver un médecin traitant. Résultat, quand nous intervenons, nous sommes souvent confrontés à des situations dégradées. Nous essayons donc de remettre un professionnel de santé dans la boucle, de faire en sorte que la personne puisse accéder à tous les services. Enfin, dernier point sur lequel nous sommes impactés : nous constatons que, quand une mesure de protection est prise, les autres acteurs sociaux, comme l’assistante sociale, se retirent, alors que la personne reste une citoyenne comme les autres
Comment votre travail est-il contrôlé ?
Sur ce sujet, des modifications récentes nous inquiètent. Notre mission est de gérer l’argent des personnes, et, en fin d’année, on fait un bilan et on remplit ce qu’on appelle un compte rendu de gestion. Jusqu’ici, ces documents étaient déposés au tribunal pour vérification. Mais, en 2019, sous couvert de déjudiciarisation, le législateur a décidé que le juge pourrait demander à un contrôleur externe de faire ce travail.
Et, en décembre 2024, un décret du ministère de la Justice a fixé que, désormais, tous les comptes rendus de gestion seraient contrôlés par des opérateurs extérieurs, payés par la personne protégée. C’est très choquant de faire payer à la personne, dont on a constaté qu’elle ne pouvait pas s’occuper de ses affaires, le contrôle de sa mesure de protection. D’autant qu’il y a un barème qui va toucher tout le monde, quels que soient les revenus. Surtout, en faisant ça, l’État marchandise l’ultravulnérabilité. Il crée un marché, c’est-à-dire qu’il sort une tâche qui relevait de la sphère de la protection publique, pour l’offrir à des opérateurs privés.
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