Clap de fin pour le « Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle » organisé à Paris du 10 au 11 février. Comme il est d’usage dans ce genre de grand-messe internationale, un texte final a été publié. Une « Déclaration sur une intelligence artificielle durable et inclusive pour la population et la planète » signée par cinquante-huit États.
Ce texte liste les six bonnes résolutions censées résoudre les grands problèmes que soulève cette révolution numérique : l’accessibilité « pour réduire la fracture numérique » d’une IA « ouverte à tous, inclusive, transparente, éthique, sûre, sécurisée et digne de confiance, dans le respect des cadres internationaux », favorable à une « croissance durable » qui ne se fasse pas au dépend ni des travailleurs, ni de l’écologie, dans un contexte de « coopération internationale » pour « promouvoir la coordination de la gouvernance internationale ».
Grandiloquent
« Nous posons là les bases, à côté de l’innovation et de l’accélération, de ce qui va permettre à l’IA d’advenir et de tenir, c’est-à-dire les clés de la confiance », a conclu l’événement de façon grandiloquente Emmanuel Macron, au Grand Palais. « Nous avons besoin de ces règles pour que l’IA avance » et « besoin de continuer à faire avancer unegouvernance internationale de l’IA ».
Des principes empreints de bons sentiments paraphés par cinquante-huit États, dont les co-organisateurs de cette édition 2025, la France et l’Inde, ainsi que la Chine, mais pas les États-Unis ni le Royaume-Uni. Lors de son discours dans le cadre de ce sommet, le vice-président américain J.D. Vance a préféré insister sur une « régulation excessive » de l’intelligence artificielle qui « pourrait tuer une industrie en plein essor ».
La création d’un observatoire de l’impact énergétique de l’IA, piloté par l’Agence internationale de l’énergie, n’est pas non plus du goût de Washington. « Les États-Unis sont les leaders dans l’IA et notre administration entend qu’ils le restent », a-t-il souligné, mettant en garde contre les « États autoritaires » : « S’associer avec eux revient à enchaîner votre nation à un maître autoritaire qui cherche à infiltrer, s’installer et s’emparer de votre infrastructure d’information. »
Musk contre Mozilla
Ces deux conceptions des usages de l’intelligence artificielle se sont affrontées durant tout le sommet autour des questions d’IA « ouverte » ou « fermée ». Tenants d’une technologie propriétaire, les États-Unis ont vu deux de leurs industriels du numérique s’invectiver par communiqués interposés.
Lundi 10 février, un consortium emmené par Elon Musk a proposé 97,4 milliards de dollars lundi au conseil d’administration pour l’acquisition de l’entité. Une offre non sollicitée par Sam Altman, le patron d’OpenAI, alors que ce dernier essaie de lever des fonds et de transformer sa start-up en société à but lucratif. « Non merci mais nous rachèterons Twitter pour 9,74 milliards de dollars si tu veux », a rétorqué Sam Altman lundi sur X, soit quatre fois moins que ce qu’avait déboursé Musk pour s’offrir le réseau social. « Escroc », lui a répondu ce dernier.
Open AI est symptomatique de ce débat, son robot conversationnel ChatGPT à l’origine en open source fonctionnant désormais en modèle fermé, à l’instar de Google avec Gemini ou la start-up Anthropic. À l’inverse, le géant américain Meta, la française Mistral AI et le chinois DeepSeek laissent leurs modèles accessibles aux autres développeurs pour leurs propres modèles.
Mais ces technologies en « open source » le sont à des degrés divers. Cité par l’AFP, Thomas Wolf, cofondateur de la plateforme d’IA en accès libre franco-américaine Hugging Face, souligne que si « la sortie de DeepSeek-R1 est une formidable opportunité pour la communauté open source, tout n’a pas été publié », notamment « les jeux de données et le code utilisés pour l’entraîner ».
Pour autant, le patron de Mozilla, fondation connue notamment pour son navigateur Firefox et actrice historique du mouvement du logiciel libre, ne boude pas son plaisir : « Certaines choses, qui sont, même un peu ouvertes – nous aimerions les voir encore plus ouvertes – commencent à permettre à la communauté mondiale de l’IA de collaborer pour rendre l’IA meilleure et plus accessible ». Face aux centaines de milliards de dollars engloutis par Open IA et consorts, ces modèles alternatifs restent confidentiels et pas encore au point, comme l’ont démontré les déboires de l’IA générative Lucie développée par Linagora.
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