La très droitière Coordination rurale (CR) a réussi une percée aux élections dans les chambres d’agriculture, selon les résultats pas encore définitifs. Le syndicat agricole bouscule ainsi l’hégémonie historique de l’alliance majoritaire composée des Jeunes Agriculteurs (JA) et de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) – qui reste cependant la première force syndicale du secteur.
La Coordination rurale avait appelé à un vote « dégagiste » contre la FNSEA. Leurs résultats provisoires – avec une majorité des voix parmi les chefs d’exploitation de quatorze départements, dont le Cher, les Ardennes, la Lozère, la Charente, l’Indre-et-Loire et le Gers – représentent donc, selon eux, une « victoire historique ».
La FNSEA revendique une victoire « sans aucun triomphalisme »
« Les agriculteurs ont dit stop à la cogestion, responsable de la disparition d’un million de vaches et de 150 000 fermes en dix ans », clame le syndicat, qui a notamment obtenu près de 70 % des voix dans son fief du Lot-et-Garonne. Il y a six ans, moins d’un agriculteur sur deux avait voté et l’alliance FNSEA-JA avait vu son hégémonie confortée. Cette dernière s’était retrouvée, avec 55,55 % des voix, à la tête de 97 chambres sur 101, tandis que la CR (21,5 % des suffrages) ne détenait que trois chambres.
Avec des « listes arrivées en tête dans plus de 80 % des départements », l’alliance FNSEA-JA reste « la première force syndicale du monde agricole », a souligné Arnaud Rousseau, président controversé du syndicat libéral, lors d’une conférence de presse. Ce dernier considère néanmoins cette victoire comme étant « sans aucun triomphalisme », alors qu’il prend acte du « basculement d’une quinzaine de chambres d’agriculture ».
En Gironde, où la CR revendique la victoire avec six voix d’écart devant la liste FNSEA-JA, le président de la FDSEA Jean-Samuel Eynard accusait le coup : « Les agriculteurs de Gironde ont fait leur choix… Nous avons 3 élus », contre 12 à la CR du fait du mode de scrutin favorisant la liste arrivée en tête. Or, en glanant une majorité des chambres départementales en Nouvelle-Aquitaine, la CR pourrait ravir la chambre régionale en mars prochain. Cela en ferait la première en France à échapper au couple FNSEA-JA.
L’alliance FNSEA-JA a néanmoins conforté son ancrage dans ses fiefs historiques du nord du pays, de Bretagne et du sud-est, perdant du terrain dans des départements qualifiés d’« intermédiaires », durement frappés par la crise des derniers mois, selon des résultats provisoires publiés par les chambres d’agriculture et le site spécialisé Terre-net.
La Confédération paysanne emporte la Guyane et l’Ardèche, le Modef gagne en Guadeloupe
La Confédération paysanne (CP) s’est quant à elle imposée en Guyane et en Ardèche de seulement 31 voix. Le syndicat de gauche, qui plaide pour une « réelle transition agroécologique », sera majoritaire avec 13 sièges sur 18 au premier collège. « Nous allons mettre en place ce que nous avons toujours réclamé en tant que syndicat minoritaire : une chambre pluraliste et proche de tous les agriculteurs, sans tri syndical », annonce Aurélien Mourier, éleveur en tête de la liste victorieuse en Ardèche.
Avec 20 % des voix lors du précédent scrutin, la Confédération paysanne n’avait jusqu’ici la majorité que dans un territoire : Mayotte. La CP le conserve pour le moment, le scrutin ayant été reporté après le cyclone Chido. Pour le syndicat, cette élection est une victoire. « Nous avons effectué une belle progression dans la moitié des départements et acquis la représentativité en Île-de-France, dans l’Allier et dans le Lot-et-Garonne, pourtant bastion de la CR », se félicite Laurence Marandola, porte-parole de la CP.
En Haute-Garonne, c’est la liste indépendante soutenue par Jérôme Bayle, figure du mouvement de protestation des agriculteurs début 2024, qui s’est imposée devant l’alliance majoritaire sortante. « Le monde agricole a besoin de changement. On veut casser le système, a alerté Jérôme Bayle, éleveur dans ce département durement frappé par la sécheresse et les maladies animales. Il y a une fracture entre le terrain et le syndicalisme. Nous sommes une région oubliée, on ne se sentait plus représentés. »
Le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef), syndicat prônant un modèle agricole durable, a quant à lui remporté la chambre de la Guadeloupe avec plus de 30 % des voies.
Des irrégularités dénoncées dans la tenue des élections
Près de 2,2 millions d’électeurs, dont près de 400 000 chefs d’exploitation, des retraités, des salariés et des propriétaires fonciers, étaient appelés à élire leurs représentants – par voie électronique ou postale – du 15 au 31 janvier. Le ministère de l’Agriculture communiquera des résultats une fois l’ensemble des résultats départementaux proclamés, au plus tard ce samedi 8 février, alors que la majorité des opérations de dépouillement se sont déroulées jeudi 6 février.
Les chiffres définitifs devraient révéler une abstention forte, aux alentours des 45 %, alors que certains syndicats comme la CP ont dénoncé des irrégularités dans la tenue des élections. Les chiffres définitifs des collèges des salariés agricoles seront également rendus publics : les données provisoires hissent pour le moment la CFDT en tête à l’issue d’un scrutin marqué par une très forte abstention.
Durant la campagne, les bonnets jaunes de la CR, adeptes des opérations coup de poing, avaient dénoncé sans relâche la FNSEA. Porteurs d’un discours anti-normes et réactionnaire, réclamant la suppression de l’Office français de la biodiversité, ils espéraient ravir 10 à 15 chambres. Ils ont notamment été accusés d’avoir attaqué les agents de l’Observatoire français de la biodiversité (OFB), avec des pancartes « OFB tueurs d’agriculteurs » présentes lors de manifestations du secteur, et l’utilisation de déchets, fumiers et pneus, déposés auprès des locaux des services départementaux.
Selon une « mission flash interministérielle » consultée par l’Agence France-Presse, « près de 70 implantations » de l’OFB ont ainsi été la cible d’« exactions » en 2024. L’hégémonie de la FNSEA-JA, porteuse d’un modèle agricole productiviste intensif, attaché à l’exportation, fortement lié à l’industrie agroalimentaire et nocive pour l’environnement et la biodiversité a ainsi été remise en cause dans sa forme actuelle.
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