Le tollé provoqué par les changements de TVA imposés aux autoentrepreneurs par le budget de l’État 2025, adopté jeudi 6 février, a forcé le gouvernement à revenir sur ses pas. En quête de recettes pour les caisses de l’État, la loi de finances incluait une baisse du seuil d’exemption de la taxe sur la valeur, de 37 500 euros de chiffre d’affaires annuel à 25 000. La mesure devait générer 400 millions d’euros.
Mais la mobilisation des fédérations de micro-entrepreneurs a contraint Bercy a annoncé à ajourner le changement. Les représentants des indépendants devaient être reçus ce vendredi 7 février par la ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l’Économie sociale et solidaire, Véronique Louwagie, pour « recueillir les préoccupations, les attentes et les suggestions de chacun et assurer une mise en œuvre dans les meilleures conditions au cours de l’année 2025 ».
Pourquoi cette mesure a été adoptée dans la loi de finances 2025
Dans son communiqué du 6 février, le ministre de l’économie et des finances explique que cet abaissement des seuils de TVA était « indispensable en raison d’une évolution importante des règles européennes en matière de TVA qui s’applique depuis le 1er janvier 2025 ».
Les services de Bercy expliquent que la mesure était déjà présente dans le projet de budget 2025 présenté par le précédent gouvernement et qu’elle n’avait pas été remise en cause ni par le Sénat ni par la Commission mixte paritaire de ces derniers jours.
Cet abaissement de seuil était aussi vu comme un moyen de « réduire les distorsions de concurrence entre professionnels qui exercent en franchise de TVA et ceux qui y sont soumis pour une même prestation de service ou de travaux ». Les services de Bercy précisent que la mesure a notamment été « demandée par beaucoup de fédérations professionnelles et remise sur la table lors des Assises de la simplification en octobre 2023 ».
Pour rassurer les prestataires indépendants, en plus de la rencontre avec Véronique Louwagie, le gouvernement déclare « ne remettre en aucune façon en cause le régime des micro‑entrepreneurs et les avantages fiscaux et sociaux associés ». Bercy exprime sa volonté de protéger ce système « essentiel au dynamisme de l’entrepreneuriat, avec 2,4 millions d’entreprises bénéficiaires ».
Pourquoi cet abaissement de seuil a suscité une levée de bouclier
Les organisations de micro-entrepreneurs n’ont pas tardé à exprimer leur rejet de cette réforme dès son officialisation. La Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE) est montée au front dès le 5 février pour dénoncer ce qu’elle considère être « une complexification majeure pour tous ceux qui vont passer à la TVA ». Pour la FNAE, forte de 80 000 adhérents, la mesure mettra à mal l’activité « de presque 250 000 auto-entrepreneurs et 100 000 indépendants » tout en « coûtant plus cher (pour l’État, ndlr) que les gains escomptés ».
Le président de l’Union des auto-entrepreneurs (UAE), François Hurel, considère que « la mesure va toucher vaguement les 300 000 auto-entrepreneurs qui facturent le plus. Et sur ce total, 70 % facturent des entreprises qui paient la TVA mais qui vont la toucher à nouveau derrière, donc c’est inutile ».
Selon lui, c’est « une attaque sur les clients qui vont payer plus cher pour avoir une aide à domicile ou une aide-ménagère par exemple ». La FNAE alerte sur le « risque de perte de clientèle, car elle va devoir payer 10 à 20 % plus cher des services ». Pour François Hurel, le risque principal réside dans « la sous-déclaration. Il est fort possible que beaucoup d’auto-entrepreneurs s’arrêtent à 24 999 de chiffre d’affaires ou fassent du travail informel” pour éviter l’effet de seuil.
Avant l’invitation tendue par le gouvernement, les syndicats se plaignaient aussi du manque de communication préalable à la décision. Comme l’explique avec colère le président de l’UAE, « personne n’a été appelé pour en discuter, ni moi, ni Grégoire Leclerq (président de la FNAE). C’est une mesure qui a été prise par des gens de Bercy qui n’ont jamais vu une facture de leur vie ».
Marc Sanchez, secrétaire général du syndicat des indépendants et des TPE rajoute que « sans aucune concertation ni réflexion sur les conséquences, le gouvernement a choisi d’adopter une logique purement comptable de court terme. » Il y voit « le pire des signaux qui pouvaient être adressés à l’activité entrepreneuriale dans son ensemble » et qui risque d’étouffer l’intérêt pour ce statut controversé, mais en augmentation selon l’URSSAF qui enregistrait 221 000 nouveaux auto-entrepreneurs en 2024.
Malgré la discussion ouverte par Bercy, François Hurel, président de l’UAE, se dit « prêt à appeler les 3 millions d’auto-entrepreneurs à manifester contre cette réforme, en accord avec la FNAE ».
Pourquoi certains secteurs soutenaient ce changement
Invités eux aussi aux négociations à Bercy, les syndicats professionnels avaient chaudement accueilli la mesure. Dans un communiqué, la CAPEB, qui regroupe les artisans du bâtiment, s’était réjouie de « la mise en place d’un seuil unique de franchise de TVA à 25 000 euros, qui permet de renouer avec la vocation initiale des micro-entreprises, à savoir celle d’un tremplin vers une activité pérenne et un statut protégeant mieux le chef d’entreprise ».
L’Union des entreprises de proximité (U2P) voyait de son côté en cette mesure un moyen de « simplifier les seuils nationaux de TVA et surtout de limiter les distorsions de concurrence, en France et en Europe, entre entreprises qui exercent une même activité ».
Bien qu’elle a également regretté « l’absence de concertation préalable », l’U2P apprécie la réduction de l’écart d’avantage dont pouvaient profiter les auto-entrepreneurs, n’ayant pas à appliquer de TVA sur leurs tarifs et revenant souvent moins cher, aux détriments des artisans en société classique.
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