Les fondeurs de Caudan (Morbihan) n’ont pas dit leurs derniers mots. Mardi 4 février au matin, devant l’historique siège de la marque au losange, à Boulogne-Billancourt, une centaine de salariés de la Fonderie de Bretagne (FDB) fraîchement débarqués en bus, se sont rassemblés à l’appel de la CGT pour demander des comptes au constructeur automobile.
Rejoints par leurs camarades de Maubeuge, du Mans ou encore de Cléon, les chasubles rouges exigent « des réponses » face au désengagement de Renault de ses commandes à la FDB, indispensables à la survie de l’usine et de ses 310 emplois.
Désengagement fatal
L’usine spécialisée dans la fabrication de pièces automobile a été placée en redressement judiciaire le 23 janvier dernier par le tribunal de commerce de Rennes, qui donnera son verdict le 12 mars prochain sur l’avenir du site et d’éventuels dépôts d’offres de reprise. Pourtant, l’entreprise avait déjà trouvé un repreneur fiable et le soutien des collectivités territoriales.
Ne manquait que la promesse de Renault, qui représente 95 % du chiffre d’affaires de son ancienne filiale, de maintenir ses niveaux de commande jusqu’en 2028, le temps de la diversification de la production. Mais le constructeur s’est officiellement désengagé fin décembre.
« Il nous faut trois ans au maximum pour finir la diversification. Nous avons d’ores et déjà des commandes en attente, notamment dans le domaine agricole, de la défense et du ferroviaire. Ce n’est qu’une question de temps, assure Laurent, salarié de la FDB. D’autant plus que le projet a été validé par deux cabinets d’expertise ! » L’incompréhension demeure, d’autant que 150 millions d’euros – dont 10 millions d’euros en 2024 – ont été investis dans des machines neuves.
Renault argue du virage électrique pour expliquer son désengagement de l’usine de Caudan. « Cet argument est une intox. Nous produisons des pièces pour les voitures électriques, comme les châssis en fonte », rétorque Laurent. Bien que la lutte soit une constante à la FDB, les sidérurgistes sont inquiets. Leur moyenne d’âge est de 48 ans, « on se demande comment va être possible la reconversion », poursuit le fondeur.
Une stratégie malhonnête
La fermeture de l’usine entraînerait des pertes d’emplois en cascade. « Un CDI supprimé, c’est trois emplois indirects qui disparaissent. La fonderie représente jusqu’à 70 % de l’activité de certains de ses fournisseurs » déplore Stéphane Flégeau secrétaire adjoint de la fédération de la métallurgie CGT.
« Aujourd’hui, le message est clair : on veut la sauvegarde de tous les emplois, assène Maël Le Goff délégué syndical de la FDB, perché sur des palettes. Beaucoup d’entre nous sommes des fondeurs de la troisième génération, et nous ferons tout pour qu’il y en ait d’autres. »
Stéphane Flégeau déplore « une stratégie malhonnête, qui, dans un premier temps, a été d’externaliser la production, avant d’aujourd’hui la délocaliser ». Maël Le Goff s’interroge : « Luca De Meo va-t-il assumer cette stratégie ? » La question est posée lors d’un second rendez-vous ce mardi. Alors que le directeur général de Renault, Luca De Meo, est attendu pour être auditionné par la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale, un comité d’accueil est présent à quelques encablures du Palais Bourbon.
« Le triste symbole de l’indécence et de l’irresponsabilité des grands groupes »
« Nous avons beaucoup de choses à lui dire », affirme d’entrée Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, lors de cette conférence de presse en plein air, entourée de nombreux députés de gauche. « La Fonderie de Bretagne est aujourd’hui le triste symbole de l’indécence et de l’irresponsabilité des grands groupes, mais aussi le symbole de la démission de l’État face aux grands donneurs d’ordres et aux grandes puissances de l’argent », poursuit-elle, en référence aux 238 millions d’aides publiques touchées par la marque au losange chaque année et la multitude de subventions versées au secteur automobile. « Ces entreprises pleurnichent dès qu’on parle de les taxer un peu plus, mais elles oublient de rappeler qu’en 2024, elles ont encore une fois engranger des dividendes records. »
Alors que la numéro 1 cégétiste « salue les députés » qui ont porté la proposition de loi de la CGT sur les moratoires, qui va être soumise aux votes le 20 février prochain, à l’intérieur de l’Assemblée, Luca De Meo débute son audition.
Sous le feu nourri des questions des députés, l’homme fort du constructeur automobile est obligé de donner le change : « Si, malheureusement, malgré les montants engagés par Renault, aucun plan de reprise ne se dessine, on prendra nos responsabilités et on proposera un emploi équivalent aux salariés sur un de nos sites en France. » Il oublie simplement de rappeler que Renault ne dispose pas d’implantation en Bretagne.
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