Jamais un bras de fer n’aura opposé si longtemps l’Union européenne (UE) à la France, qui, pour une fois, répond par un consensus. Au cœur du litige ? Un joyau tricolore, deuxième source de production électrique derrière le nucléaire, et surtout la seule à être pilotable et stockable : les barrages hydrauliques.
Propriétés de l’État, les installations de plus de 4,5 mégawatts de puissance sont principalement opérées par EDF (à 80 %) et deux filiales d’Engie, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et la Société hydroélectrique du Midi (Shem). Depuis de nombreuses années, l’UE voudrait en privatiser l’exploitation. Si querelle politique il y a avec Bruxelles, une solution fait l’unanimité à Paris : empêcher d’ouvrir à des gestionnaires privés les plus de 400 concessions, qui ont alimenté 13,9 % de la production d’électricité nationale en 2024.
Deux mises en demeure
Revenons vingt ans en arrière, lorsque le gouvernement Raffarin transforme EDF en société anonyme et que la France est alors sommée d’ouvrir l’exploitation de ses ouvrages hydrauliques à la concurrence. Peu pressés de mettre fin au quasi-monopole de l’électricien désormais détenu à 100 % par l’État, les exécutifs suivants ont laissé une bonne partie des concessions de soixante-quinze ans, accordées après-guerre, arriver peu à peu à échéance depuis 2011. Selon un rapport de la Cour des comptes de 2022, une soixantaine devraient avoir dépassé leur date butoir fin 2025.
En 2015, la France fait l’objet d’une première mise en demeure de la part de la Commission européenne, invoquant la position dominante d’EDF. Quatre ans plus tard, en 2019, une seconde missive est envoyée, contestant l’attribution en gré à gré des concessions échues aux exploitants sortants, sans être passées par la case appel d’offres.