Vous vous souvenez d’Antoine Armand ? Éphémère ministre de l’Économie du gouvernement Barnier, ce jeune loup macroniste (33 ans) s’était distingué dès sa prise de fonction en affirmant que le RN ne faisait pas partie de l’arc républicain et qu’il ne comptait pas le consulter pour l’établissement du budget. Après un coup de fil du premier ministre, que l’on imagine peu amène, ce même Antoine Armand dû recevoir bien poliment à Bercy les représentants de l’extrême droite. Faisant ainsi une jolie démonstration de la solidité des convictions du camp présidentiel et du « barrage républicain » auquel ce député doit pourtant son élection lors des législatives de juin 2024.
Revenu dans l’Hémicycle après la censure, Antoine Armand continue son bonhomme de chemin. Et s’est rappelé à notre bon souvenir, lundi 27 janvier, en retwittant la une de « l’Humanité » du jour sur le réseau X accompagné de ce message : « Il y a 80 ans, le camp d’extermination d’Auschwitz était libéré, jetant des dizaines de milliers de juifs sur les routes. Les marches de la mort débutaient. L’antisémitisme et la haine mènent aux pires atrocités. Nous n’oublierons jamais les millions de victimes de la Shoah. » Vous avez bien lu. Selon Armand, les sinistres « marches de la mort » auraient eu lieu suite à la libération des camps… Un simple détour sur Wikipédia lui aurait rappelé que ces « marches » avaient été organisées par les SS avant la libération des camps, afin de dissimuler le processus d’extermination et l’ampleur des crimes aux yeux des Alliés. Lorsque l’Armée rouge entra dans Auschwitz, en portant secours aux rescapés, seuls quelques milliers de pauvres hères s’y trouvaient encore.
On n’ose imaginer ce que cherche Antoine Armand. Mais avouons que, de la part d’un ancien ministre qui a enchaîné le très sélect lycée Louis-le-Grand et sa prépa voisine à Henri IV, puis l’École normale supérieure et l’École nationale d’administration, l’étalage d’une telle ignorance sur cette période tragique de l’histoire, qui plus est un jour de commémoration, est pour le moins suspect et, pour tout dire, scandaleux. Que retiendra le lecteur de ce tweet faussement anodin ? Un message subliminal, celui que l’Armée rouge aurait poussé sur les routes et vers la mort des dizaines de milliers de juifs… Alimentant au passage la machine négationniste de l’extrême droite qui, au mépris de la réalité historique, tente de tracer un trait d’égalité entre communisme et nazisme afin de faire oublier sa matrice raciste, pétainiste et collaborationniste.
Ce tweet n’est pas qu’une anecdote. Il fait le jeu, quelles que soient les intentions de l’auteur, de cette bataille idéologique féroce que mènent les extrêmes droites dans le monde, à grands coups de xénophobie débridée, d’hypercapitalisme assumé et de manipulation de l’histoire. À l’image d’un Trump et de ces multiples fake news ou d’un Zemmour assurant que « Pétain a protégé les juifs », les nationalistes jouent du confusionnisme pour se dédouaner à bon compte et imposer un autre récit propre à séduire les opinions. Les commémorations de la libération des camps d’Auschwitz-Birkenau viennent nous rappeler combien le travail de mémoire est au cœur de toute démocratie éclairée. Et combien il est impératif de lutter contre ceux qui s’acharnent, par ignorance ou stratégie, à détruire cette réalité historique.
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