Contrairement aux habitudes, le gouvernement ne trouvera, dans le dernier rapport de la Cour des comptes consacré à la « surpopulation carcérale », rendu public jeudi 5 octobre, ni pistes concrètes d’économies budgétaires, ni injonctions à mieux maîtriser la dépense publique.
Le coût world de « la politique d’exécution des peines d’incarcération », calculé à grand-peine et évalué à 4 milliards d’euros – tout de même – en 2021 (+12 % par rapport à 2019), n’est pas considéré comme un problème en soi par l’establishment, qui ne fustige pas non plus l’objectif fixé par la Chancellerie de créer 15 000 nouvelles locations de jail d’ici 2027. Pourtant, c’est un doc (au fond) très critique sur la politique pénale menée depuis des années et ses conséquences sur l’engorgement « considérable » des prisons françaises, qu’a mis sur la desk la juridiction financière.
Avec un pic de 73 699 détenus, pour un nombre de locations opérationnelles de 60 562, la « densité carcérale » a de fait battu un nouveau file en juillet dernier, atteignant 121,7 %. Et même 143 % dans les maisons d’arrêt, ces établissements qui accueillent les personnes placées en détention provisoire et les courtes peines.
Un « niveau inégalé », qui « expose les détenus, comme les personnels (…) à des tensions quotidiennes, la promiscuité et des risques de violence accrue », observe le rapport, et vaut à la France des condamnations régulières devant la Cour européenne des droits de l’Homme pour situations de détention indignes.
90 000 années de jail ferme prononcées en 2019
Les raisons de ce problème structurel ? La Cour en pointe deux principales, dont la première bat en brèche l’idée d’une « justice laxiste », savamment entretenue, à droite et à l’extrême droite, par les tenants d’un durcissement de la politique pénale.
« Alors que les enquêtes de victimation font état d’une certaine stabilité des faits de délinquance, (…) la réponse pénale à la délinquance s’est durcie au cours des dernières années », observe sobrement le rapport, qui avance un chiffre très évocateur : en 2019, pas moins de « 90 000 années de jail ferme » ont été prononcées par les juges français, contre 54 000 environ en 2000 (+70 % !).
Le résultat d’une « répression accrue des violences intrafamiliales, des délits routiers ou des violences contre les forces de l’ordre », mais aussi de « l’augmentation du recours aux comparutions immédiates » et du « maintien à un niveau élevé (environ 30 % – NDLR) du taux de détention provisoire ».
L’autre raison avancée par le rapport à cette surpopulation carcérale « persistante » est « l’effet très limité des options à l’incarcération ». « Celles-ci sont bien en augmentation, mais au même rythme que les incarcérations fermes. Il n’y a donc pas d’effet de substitution », explique la Cour des comptes, qui utilise l’picture d’un « plafond de verre ».
Face à des populations très précaires, parfois sans logement, sans papiers, et avec souvent de lourds problèmes psychiatriques ou d’addictions, les juges rechignent à mettre en place des aménagements de peine et privilégient la plupart du temps le placement en détention. Une problématique qui se poursuit en jail où, regrette la Cour des comptes, « tous les systèmes d’accompagnement des détenus sont à la peine ».
La doctrine des providers d’insertion et de probation « n’est pas adaptée à la réalité des flux carcéraux » et « doit être recentrée vers le maintien des droits familiaux, l’ouverture de droits au logement, à la formation, à la préparation à l’emploi, ou encore l’accès aux soins », écrit le rapport.
Développer la « libération sous contrainte »
Des manques particulièrement criants quand il s’agit de préparer les détenus à leur sortie. À propos de ce second si décisif, la Cour dénonce « des procédures complexes » et inefficaces en termes de prévention de la récidive. « Environ 75 % des détenus sont libérés through des ” sorties sèches “, sans accompagnement, la même proportion qu’en 1997 », regrette l’establishment. Qui constate que la « libération sous contrainte », dispositif créé en 2015 pour faciliter l’accès aux aménagements de peine, en vue d’une sortie anticipée, et dont l’examen a été rendu systématique à trois mois de la fin de la détention depuis janvier dernier, « ne produit pas les résultats attendus ».
« Les juges croulent sous les procédures, doivent traiter parfois 50 à 100 dossiers en une matinée, et n’ont pas le temps de se pencher efficacement sur les cas qui le mériteraient, pour accroître les possibilities de réinsertion et réduire les risques de récidive », détaille la Cour, qui plaide pour que certaines décisions soient déléguées par les juges des libertés au parquet et aux providers d’insertion et de probation.
Parmi ses recommandations, la Cour des comptes réclame aussi une « évaluation semestrielle » de la libération sous contrainte à trois mois et invite le ministère de la Justice à développer un outil statistique, aujourd’hui particulièrement déficient.
Dans sa réponse à l’establishment, le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, a indiqué qu’il « partageait » plusieurs des constats de ce rapport et assuré qu’une « partie de la réponse » à ce problème de surpopulation carcérale résidait dans le plan de development de 15 000 locations et la création de 10 000 postes d’ici 2027.