Cela faisait quasiment trois ans qu’on ne les avait pas vus dans la rue. En 2022, quand Élisabeth Borne usait généreusement du 49.3 pour imposer son projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l’année suivante, les principaux syndicats d’internes en médecine avaient battu les pavés de France pour dénoncer un article de loi allongeant d’un an les études des futurs médecins généralistes. Deux hivers plus tard, toujours chauffés à blanc par une réforme « bâclée », les internes de médecine générale sont de retour dans la rue, mercredi 29 janvier.
De fait, la mise en place de cette quatrième année d’internat pour les étudiants de médecine générale, sous la forme d’un stage placé sous la supervision de praticiens agréés maîtres de stage des universités, doit permettre de consolider la formation de ces « docteurs juniors » et lutter contre les déserts médicaux en « incitant » les futurs généralistes à réaliser un stage dans une zone sous-dotée en médecins.
« Nous autres internes nous sommes des variables d’ajustement »
Mais alors que cette réforme doit entrer en application pour la rentrée de septembre 2026, l’Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) dénonce un nombre insuffisant de tuteurs de stage pour accueillir les étudiants.
« Sur l’île-de-France, dans les meilleures estimations, on aurait 250 lieux de stage pour 600 internes. À Lyon, c’est 60 places pour un peu plus de 150 internes. À Dijon, c’est 40 pour 90. Voici les chiffres qui nous sont remontés dans toutes les villes », s’alarme Bastien Bailleul, président de l’Isnar-IMG, dont l’organisation est co-initiatrice de la mobilisation. « Nous ne voulions pas arriver à cette situation mais c’est un peu notre dernière cartouche face à une situation de détresse », confie-t-il.
Faute de places dans les cabinets de médecine, son organisation craint que les étudiants ne soient, malgré eux, redirigés vers des stages dans des établissements hospitaliers, toujours demandeurs de renforts.
Des questions sans réponses
Yves, 34 ans, en deuxième année d’internat à Paris, manifestera mercredi. Il angoisse pour son avenir, lui, dont la promotion va subir de plein fouet les effets de cette réforme à la rentrée 2026. « Je rêve de devenir médecin généraliste en cabinet. J’ai travaillé dur pour cela mais je crains qu’avec cette réforme, je ne sois envoyé en stage à l’hôpital. Ce serait une désillusion pour moi alors que cette dernière année est censée nous accompagner dans notre future installation », lâche l’Alsacien d’origine et adhérent au Syndicat représentatif parisien des internes de médecine générale.
Aussi, concernant l’application de la réforme, sept organisations d’étudiants et de professionnels se sont émues, lundi, de l’absence de textes réglementaires censés clarifier les modalités de cette 4e année. Quelle rémunération pour les docteurs juniors ? Comment loger les étudiants ? Des questions qui n’ont pas encore trouvé d’arbitrages.
« Le ministre de la Santé a annoncé, lundi, que nous aurons les décrets probablement d’ici mars-avril. À quelques mois seulement de l’application de cette réforme. C’est beaucoup trop tard pour la mettre en place dans de bonnes conditions », interpelle le président de l’Isnar-IMG, qui demande le report de la mise en œuvre de la quatrième année d’internat de médecine générale.
Des études sous le signe de la précarité
Ce retard dans l’obtention d’une convention type est d’autant plus mal vécu par les étudiants qu’ils y voient un manque de considération à leur égard. « Nous, internes, sommes juste des variables d’ajustement. On comble les trous là où il y a besoin. Nous sommes nombreux à redouter, surtout ceux en ambulatoire, d’être envoyés dans les pires déserts médicaux », s’agace Fanny, adhérente à l’Isnar-IMG.
Malgré sa passion pour la profession, la jeune femme de 25 ans, en deuxième année de médecine générale à Saint-Nazaire, s’inquiète de revivre une année d’études sous le signe de la précarité. « Un interne de première année (bac + 7) est payé à 1 600 euros avec en plus des indemnités de nourriture et logement et, pour un interne de troisième année, on se situe à 2 300, explique-t-elle. Nous allons devoir accepter une année supplémentaire où nous ne serons pas rémunérés comme on l’aurait été si nous avions fini nos études et commencé à remplacer un titulaire. »
Pourtant, en l’état actuel, les internes de médecine générale travaillent déjà en moyenne 50 heures hebdomadaires selon une enquête réalisée en 2023 par plusieurs syndicats de la profession. Autant d’éléments qui poussent les étudiants à s’emparer des rues, ce mercredi.
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